Depuis les années 70, on ne
faisait guère plus d’instruction civique à l’école,
jusqu’à ce que Chevènement tente de rétablir l’apprentissage
de la Marseillaise, des symboles de la République tels que le drapeau
français, pour ressouder l’école autour de l’idée
de nation. À l’époque, il y eut peu de réactions,
en dehors de quelques antimilitaristes ou pacifistes, les enseignants montrant
dans leur ensemble une sorte de résistance passive.
Aujourd’hui encore, et depuis qu’ils sont
au pouvoir, ce sont les socialistes qui brandissent le drapeau national.
Refusant de s’attaquer de front aux inégalités sociales,
ils renouent avec l’idée qu’un bon enseignement des « valeurs
de la République » suffirait à prévenir les
actes de violence dans les collèges et les cités. N’ayant
pas les moyens de proposer un avenir radieux aux jeunes, ils tentent de
leur faire miroiter un avenir politique de futurs citoyens. S’il y a un
mot qui revient dans tous les discours en cette fin de siècle, c’est
bien celui de « citoyenneté ».
On peut penser que la connaissance des
institutions est bien utile pour qui veut comprendre le monde et qu’elle
participe à la formation des futurs citoyens. Mais on ne tardera
pas à trouver en grattant un peu ces nouveau programmes un projet
pensé d’embrigadement et de mise sur les esprits. C’est là
toute l’ambiguïté de l’enseignement de l’éducation civique.
Le choix des contenus et des rubriques (certaines étant à
débattre, d’autres à retenir) participe au développement
d’une nouvelle forme de propagande gouvernementale. À l’école
primaire, les nouveaux programmes incitent davantage les enseignants à
s’appuyer sur la vie de la classe. De fait, les valeurs développées
seront plus directement liées aux choix pédagogiques et relèveront
davantage d’une éducation plutôt que d’un enseignement unilatéral.
Exemple tiré du Bulletin officiel d’août 1999, p 65 : «
Si l’on veut que les élèves comprennent ce qu’est une loi
[…], il faudra s’appuyer sur les activités scolaires qui relèvent
d’une démarche voisine. C’est le cas lorsque les élèves
sont encouragés à modifier le règlement intérieur
de la classe ou de l’école ».
Depuis longtemps, certains instituteurs
(trices) se réfèrent aux pratiques des classes coopératives,
notamment à la pédagogie Freinet ou institutionnelle et organisent
au sein des classes des conseils d’élèves, sous forme d’assemblée
générale hebdomadaire. Ces réunions tendent à
favoriser l’expression libre des élèves afin de gérer
les conflits et de faire des propositions de travail. Pour ces classes,
c’est la réunion qui tient lieu d’exercice de la citoyenneté.
Collectivement, et en lien direct avec leur vécu, les enfants vont
comprendre la nécessité de règles de vie communes.
Ils entrevoient la capacité qu’a toute collectivité à
modifier ses propres lois en l’expérimentant au sein de la classe.
Malgré les limites de ces pratiques, qui ne remettent pas fondamentalement
en cause le système scolaire, leur fondement et transformateur.
Sûrement est-il considéré comme dangereux de les généraliser
et de les développer aux collèges et lycées.
C’est bien cet exercice de la liberté
individuelle et collective qui était réclamé par les
jeunes, lors de la dernière consultation Allègre. Loin de
répondre à cette demande, on se propose d’enseigner la loi
républicaine et son lot d’injustices et de guerres inéluctables.
Nos belles valeurs doivent induire chez les jeunes un comportement responsable
qui doit faire accepter leur sort sans broncher. Pour ceux qui ne voudraient
(ou ne pourraient) pas s’y plier, tout un arsenal de mesures coercitives
est déjà en place : sélection dès la 5e, conseils
de discipline, renvois.