La République des flics
Jacques Chirac et Lionel Jospin aiment l’ordre.
Pour le rappeler à ceux qui l’ignoreraient, le premier s’est rendu
dans les quartiers nord de Marseille, les 12 et 13 novembre. Le second,
empruntant pour l’occasion RER et bus, s’est fendu d’une visite à
Sainte-Geneviève-des-Bois et aux Ulis, communes du département
de l’Essonne deux jours après. L’ordre sous couvert de l’argument
sécuritaire : telle est la priorité gouvernementale et présidentielle
! La méthode Jospin rejoint là celle de Chirac. Pour que
l’ordre règne, deux principes : un, créer un maximum de petits
boulots ; deux, embaucher toujours plus de flics. Exemples.
Lors de la visite chiraquienne à Marseille,
un contremaître s’est félicité d’offrir un emploi à
des jeunes du quartier de La Bricarde, « leur première feuille
de paie, leurs premiers 4 000 francs ». (Quand on apprend les tarifs
de l’avocat Strauss-Kahn, 2 500 francs l’heure travaillée, on est
encore loin du vrai boulot franchement bien rémunéré
!).
De même, Jospin a pu rencontrer les
« agents d’accueil » qui accompagnent les usagers d’une ligne
de bus de L’Essonne. (On les imagine mal être rémunérés
comme la femme de Tibéri.). Petits boulots gardes chiourmes ou emplois
précaires, rôles de chiens de garde, même objectif :
acheter la paix sociale dans les quartiers à moindre frais.
Deuxième principe : la répression
directe. Outre une loi prochaine pour « clarifier » le rôle
des « activités privées de sécurité »,
(c’est-à-dire employeurs de vigiles, gardiens et autres agents de
l’ordre…), Jospin peut à loisir se féliciter des troupes
déjà bien implantées : policiers en uniforme, agents
des Renseignements Généraux, agents de police municipale,
gendarmes et autres militaires que l’on croise régulièrement
dans certaines grandes stations RER de la Capitale… L’ordre a ses soldats
et ils sont nombreux ! De plus en plus. L’État vient de recruter
1 600 flics supplémentaires, sans oublier les emplois-jeunes mobilisés
dans « les dispositifs de police de proximité » qui
viennent s’ajouter à ces récentes embauches. Pour maintenir
l’ordre, il y aura toujours de l’argent. C’est d’ailleurs, de ce cet ordre
là dont il est question, celui des privilégiés ; l’ordre
des bien-pensants, des responsables, des garants du système économique
et de l’ordre moral.
Quand Jospin se préoccupe de sécurité,
c’est avant tout dans une optique électoraliste, concurrencer la
droite et l’extrême droite sur leur terrain de prédilection,
et pour gérer au mieux les inégalités économiques,
culturelles et sociales. Son vœu le plus cher, il l’a formulé dans
une caserne de CRS, lors de son déplacement dans l’Essonne, devant
un parterre ébloui de notables et de gendarmes en rangs serrés
et droits dans leurs bottes : il faut que les policiers « soient
davantage à l’image de la population. Il convient de faire en sorte
que les jeunes de tous les quartiers et de toutes les origines sociales
soient encouragés à entrer dans la police nationale. »
Big Brother ou la police de la pensée. Encore un effort Françaises,
français, soyons tous flics ; les banlieues seront ainsi plus sûres,
et les banques seront bien gardées.
Alain Dervin. — groupe Pierre-Besnard