Les anti-OMC s’imposent dans la rue

 Les dépêches de l’AFP à la clôture officielle des négociations samedi matin faisaient sourire. « L’OMC laisse à Seattle un goût amer : le rendez-vous mondial du commerce international devait être, pour les dirigeants de Seattle, une formidable occasion de montrer au monde la beauté de la Cité, de faire profiter la ville des bienfaits du commerce international. Mais le beau rêve s’est transformé en cauchemar » Une autre dépêche nous annonçait l’annulation simple de la conférence de presse de clôture : « Assiégés par les manifestants à l’extérieur, tiraillés par les divisions internes… ».


Échec donc, pour les partisans du libre échange, de la déréglementation, de la marchandisation de nos vies. Même la cérémonie d’ouverture n’a pu avoir lieu car plusieurs dizaines de milliers de manifestants déterminés ont paralysé l’ensemble du quartier réussissant même à bloquer dans leurs hôtels de nombreuses personnalités comme la secrétaire d’État américaine Madeleine Albright. Malgré tout, nous ne pouvons crier victoire : l’absence d’accord entre capitalistes a trop souvent provoqué des crises financière ou militaires (crash boursier, guerre mondiale…). Nous pouvons néanmoins être satisfaits que les anti-OMC aient pu s’inviter à la une des médias du monde entier afin de poser des questions sur la déréglementation des services, sur l’absence d’un droit social international… Car ne soyons pas dupes (ce n’était pas forcément le cas dans tous les cortèges anti-OMC), les divisions internes entre européens, américains… sont des conflits liés au partage des bénéfices du capitalisme mondial.


Lorsque Chirac déclare que « L’Europe a une grande tradition exportatrice en matière d’agriculture et que l’on ne peut revenir dessus » il ne défend aucunement une agriculture saine et de qualité, des revenus décents pour les petites et moyennes exploitations ou l’autonomie alimentaire des « pays du tiers monde ».
 

Une opposition contrastée

La pensée unique, où la lutte de classes est rangée au rayon histoire, a été bousculée. Mais l’opposition au libéralisme reste contrastée. Elle a été internationale avec des manifestations aux États-Unis mais aussi dans toutes les capitales européennes. À Londres, le 1er décembre, 5 000 personnes manifestent contre l’OMC et dénoncent la privatisation des chemins de fer. Les banderoles parlaient d’elles-mêmes : « Tuez le capitalisme », « OMC = Organisation Mondiale des Cambrioleurs ». Des accidents ont émaillés la manifestation avec 40 personnes interpellées. A Genève on peut souligner l’idée originale de 3 personnes qui se sont introduites dans un local électrique, jouxtant le bâtiment principal de l’OMC et ont fait disjoncter les compteurs paralysant ainsi pendant quelques heures les serveurs informatiques du siège de l’OMC.


Mais aux États-Unis, à Londres, en France… deux courants se sont opposés : l’un réformiste et l’autre révolutionnaire. Les divergences sont à chercher autant sur les objectifs de société que dans les stratégies d’intervention. Le courant réformiste parle d’un contrôle citoyen de l’OMC et espère ainsi, après des décennies de social-démocratie, humaniser le capitalisme. Et comme pour le 11 décembre prochain, nous allons battre le pavé contre le chômage alors que l’argent existe et qu’il suffit d’aller le chercher. À la manifestation classique, des groupes américains souvent proches des courants anarchistes ou écologistes radicaux ont décidé de bloquer la conférence : « Le capitalisme est la forme la plus avancée du cannibalisme, nous ne pouvons le réformer. » Après l’état d’urgence installé à Seattle, ce sont des habitants de quartiers qui sont descendus dans la rue pour protester contre les violences policières. De toute évidence même si la casse n’est certainement pas un acte politique très lisible, au regard des milliards de bénéfices qu’ils peuvent se faire sur notre dos, cela semble bien ridicule…


En France au-delà de la mobilisation de plusieurs dizaines de milliers de manifestant (e) s, nous pouvons signaler quelques actions. A Paris à noter avec grand plaisir que le cortège de 50 militant (e) s du MDC de Chevènement a été expulsé de la manifestation. L’opération ne s’est pas faites non sans difficulté puisque le Service d’Ordre du PC 93 a tenté d’intervenir (le MDC a beau légitimer l’expulsion de milliers de sans-papiers, la solidarité gouvernementale prime…), mais le MDC même en fin de manif a été rejeté et c’est là essentiel. À Cahors, le collectif ATTAC a pris des produits OGM dans une grande surface pour les déverser à la préfecture. À Nantes, le collectif OGM 44 a décidé d’organiser une manifestation en parallèle. Car derrière les aspects scientifiques où quelques experts jouent avec nos vies et notre santé, la seule logique des OGM est bien la rentabilité financière. Une galerie commerciale du centre ville a été occupée avec sortie du produits OGM. Notons qu’à la fin de la manifestation trois personnes ont été interpellées. Nous en reparlerons certainement. Condamnant toute tentative de criminalisation du mouvement social, nous assurons dores et déjà que les activités du collectif continuent…

Théo Simon. — groupe FA de Nantes