FAITS D'HIVER

Logique d’ETA

Il y a quelques décennies de cela, à l’époque de Franco la muerte, l’oppression était manifeste, la répression féroce, et ils ne furent pas les seuls à prendre le chemin, légitime, de la lutte armée. Oh, certes, l’objectif qu’il se proposaient d’atteindre (une prétendue libération nationale plombée par l’instauration de nouvelles frontières, d’une nouvelle armée, de nouveaux flics, d’un nouvel État…) comme le discours (une soupe rance de racines tiers-mondistes et d’orties marxisantes) qui leur tenait lieux d’argumentaire, n’avaient pas de quoi nous faire grimper aux murs. Mais, nul ne pouvait contester qu’ils étaient dans l’urgence de la légitime défense. Mieux, en réservant leurs coups à la Guardia Civil et aux militaires, leur côté Robin des Bois en titilla plus d’un et plus d’une.

Reste qu’après la mort de Franco, l’instauration d’une démocratie bourgeoise et la mise en œuvre d’une certaine autonomie au pays basque espagnol, leur lutte (armée) ne pouvait que manquer chaque jour davantage de lisibilité. Et comme elle commença à s’affubler du masque hideux du terrorisme (bombes dans les supermarchés) et de celui, tout aussi hideux, de l’assassinat de leurs militants désireux de poursuivre la lutte sous une autre forme, elle devint totalement illisible pour le tout venant et… complètement limpide pour tous ceux et toutes celles qui se refusent à épouser les billevesées nationalistes. Jusqu’a il y a un an et demi, ETA, décimée par la répression et dégueulée par de plus on plus de gens, voyait chaque jour un peu plus son avenir s’éloigner dans le rétroviseur de l’histoire.

Et puis il y a eut cet éclair d’intelligence d’une trêve unilatérale. De la paix. Et l’évidence, dans la foulée, de l’ouverture du boulevard politique et social qui s’ouvre à tous ceux qui osent l’adieu aux armes pour le combat politique et social. Parce que l’État espagnol (comme l’État français) a pris cette trêve unilatérale pour un aveu de « faiblesse », s’est obstiné dans la répression et son refus de l’indépendance basque (mais, pouvait-il en être autrement ?), ETA vient de décider de remettre ça.

Quelques dizaines de va-t-en guerre, contre le désir du peuple basque et même des béni-oui-oui d’Herri-Batasuna, vont donc se la rejouer roi du revolver et de l’assassinat ordinaire. Au royaume du nationalisme, c’est toujours la logique d’ÉTAT qui prévaut ! Étonnant, non ?

Jean-Marc Raynaud