Noël : de l’espoir dans les bacs à disques !


Lorsque la nuit nous étreint, il est toujours bon de discerner quelques petites lueurs qui aident à se diriger dans les ténèbres… Aux rayons musiques du monde chez les disquaires, on peut faire aujourd’hui une belle récolte de petits bonheurs comme autant de négations de la barbarie.


Il y a bien sûr ce renouveau de la musique cubaine dans le sillage de l’étonnant et fort rassurant succès du film de Wim Wenders, Buenavista Social Club. Étonnant, car ce film n’a pas bénéficié d’une promotion commerciale conséquente et qu’il ne doit d’être encore à l’affiche plusieurs mois après sa sortie qu’au bouche à oreilles, rassurant car ce succès montre que le film réalisé par un Allemand avec la collaboration d’un musicien américain répondait à une attente profonde du public français et européen. Élevés au cigare et au rhum de la Havane, ces petits vieux dégagent une telle énergie, une telle fringale de vie qu’ils sont l’incarnation de l’échec de la mort castriste à l’œuvre sur l’île.


Il y a surtout le succès de la musique liée (l’imprécision est volontaire) à l’immigration qui apporte un démenti flagrant à l’exclusion et au racisme. Avec sa magnifique chanson A Vava Inouva Idir a été la premier à être classé dans les hits parades en France. Son dernier disque s’appelle Identités, et ce pluriel est évidemment essentiel. Pour le réaliser Idir a fait appel à des chanteurs issus de traditions différentes (écossaise, bretonne, française, etc.) qu’il a réuni autour de ce projet commun : témoigner de leur unité au-delà de leurs différences. Ce que dit ce disque d’Idir, c’est que l’identité permet d’exister en se situant dans le monde mais qu’elle ne doit surtout pas se construire sur le repli et l’enfermement qui signifient la stérilité et la mort. La richesse est faite d’ouvertures et d’échanges.


Parmi les chanteurs sollicités par Idir, il y a naturellement le groupe Zebda composé de toulousains d’origines multiples. Dans leur disque Motivés produit par la LCR, ils reprenaient des chants révolutionnaires. Entre autres, La butte rouge avec l’accent toulousain marque vraiment, à travers l’appropriation de la chanson ouvrière a qui ils offrent du coup une nouvelle jeunesse, l’inscription de ces jeunes issus des banlieues dans la grande tradition du mouvement d’émancipation.


Lorsque Gaston Ghrenassia a quitté Constantine en 1962, il a choisi un pseudonyme pour chanter en France et a fait une belle carrière internationale après avoir été le chantre des pieds noirs sous le nom d’Enrico Macias. Dans ces années de rupture, de divorce terrible, il se devait de faire oublier, au fond l’originalité de l’identité algérienne faite d’un mélange fécond des cultures méditerranéennes (berbère, arabe, juive, française, espagnole, etc.) et, pour ce faire, gommer la part arabe de son identité et sa judéité. Repli géographique, le rapatriement se doublait alors d’une amputation culturelle. Les années ont passé. Aujourd’hui, il peut  à nouveau chanter en arabe dans un concert en hommage à Cheikh Raymond Leyris. grand maître du malouf, la musique de Constantine. Cheikh Raymond, qui fut tout à la fois son beau-père et son maître de musique, fut assassiné par le FLN- qui ne pouvait supporter qu’un juif soit l’objet de l’admiration du public arabe. En écoutant l’enregistrement du concert, il est loisible de mesurer combien Enrico empruntait au malouf pour écrire ses succès d’antan. Les racistes qui vomissent la musique arabe et achetaient les disques d’Enrico Macias, se sont bien fait avoir…


Pour cet hommage à Cheikh Raymond, Enrico est accompagné par Taoufik Bestandji dont le grand-père fut jadis le maître de Raymond Leyris… La boucle est bouclée et le concert n’a plus qu’à s’achever par un duo magnifique avec Cheb Mami pour constituer une représentation concrète de la réconciliation en acte, un symbole de paix de ce côté de la Méditerranée. Reste plus qu’à espérer qu’un jour pas trop lointain, ils pourront se produire à Constantine ou à Alger.

Mato-Topé