Charité pour les pauvres… Tranquillité pour les riches ?

A l’occasion des fêtes de Noël, Martine Aubry a revêtu l’habit des bonnes dames patronnesses qui aiment se montrer en train de faire l’aumône aux pauvres, en particulier pour les fêtes religieuses. Mais le gâteau que devront se partager les plus démunis leur semblera sans doute bien frugal au regard de la manne boursière dont auront bénéficié les possédants cette année.
 

Des miettes pour les pauvres

Les chômeurs qui réclament l’obtention d’une prime de Noël de trois mille francs pour fêter un nouveau millénaire dont on a tout fait pour qu’ils s’en sentent exclus, n’obtiendront pas satisfaction. Ils devront se contenter des mille francs octroyés par la ministre. Quant à ceux qui sont au bord du gouffre, ils verront leur dette fiscale effacée. On ne voit donc rien poindre à l’horizon qui puisse réellement redonner l’espoir d’une justice sociale. Et lorsque Martine Aubry annonce une revalorisation des minima sociaux en janvier 2000, il s’agira d’un pécule de 50 F par mois, pas vraiment de quoi faire des projets donc. Le patronat qui fustige la politique d’assistanat du gouvernement devrait se sentir rassuré, les Rmistes ne sont pas en passe de trop prendre goût à leur situation.

Quant à la CMU (couverture maladie universelle), qui fait passer la gestion des soins aux plus démunis des départements aux Caisses primaires d’assurance maladie, son accès restera fermé aux sans-papiers, qui eux sont gérés par une autre caisse. Cette différenciation des démarches permettra au besoin un fichage renforcé des immigrés en situation irrégulière. Et surtout l’état veut éviter à tout prix de voir se développer des solidarités susceptibles de lui mettre des battons dans les roues.

À l’occasion du lancement de la CMU on aura quand même appris par le gouvernement qui aime se faire mousser quand il fait du social, que cette mesure touche six millions de personnes qui vivent avec moins de 3 500F par mois (allocations comprises, pour une personne seule). Alors que dire à présent de la prétendue baisse du chômage ?
 

Assez de charité !

Pour tous ceux qui sont victimes des suppressions d’emplois, jetés dehors par les tueurs de coûts, il ne restera bientôt plus que les ONG vers qui se retourner. L’État s’en félicite puisqu’il peut ainsi faire des économies tout en apaisant les volontés de changement.


Les grand-messes, style « restos du cœur », qui permettent aux pauvres d’aider ceux qui le sont un peu plus, ont un bel avenir devant elles. Finie la banalisation et le financement automatiques des soins, on devra désormais passer par les shows télévisés pour obtenir des fonds. Et là encore, c’est la rentabilité qui impose des choix. Mieux vaut sans doute sponsoriser les recherches sur des maladies graves, infantiles et spectaculaires pour avoir de l’audience. Pourquoi les maladies génétiques ? Peut-être aussi un peu pour faire oublier d’autres recherches dans se domaine qui ne font pas l’unanimité.


Les patrons qui ne délaissent aucun nouveau marché sont bien présents, prêts à faire des profits au nom de la réinsertion en payant à coup de bâtons ceux qui n’ont pas d’autres choix. Ils peuvent à loisir faire l’éloge du bénévolat et se retrouvés jugés pour malversations financières, comme Crozemarie qui faisait du fric sur le dos des cancéreux. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes capitalistes puisque même la misère fait aujourd’hui l’objet d’un commerce très lucratif.


Pourtant il est important d’observer que les cas de refus de la charité publique sont de plus en plus fréquents, notamment certains allocataires du RMI ne le reçoivent pas parce qu’ils se refusent à accepter les contraintes qu’on veut leur imposer en échange, et préfèrent encore mendier dans la rue.
 

Vers un combat solidaire

On comprendra la difficulté pour les individus de s’adapter à la société qu’on nous fabrique actuellement. Surexploités ou à la merci d’allocations de survie, c’est toute la capacité des salariés à se projeter dans l’avenir qui est remise en cause. Comment construire son existence, faire des projets, dans de telles conditions ?


Hors des lieux de travail il est souvent difficile de développer des liens sociaux, a fortiori pour s’organiser et tenter de lutter avec ceux qui ont les mêmes intérêts. Le drame, c’est qu’en dehors des processus économiques qui conduisent à l’isolement et à la parcellisation des luttes, d’autres obstacles rendent difficiles une réaction globale aux politiques subies. Ainsi la répression est venue sanctionner le responsable d’un comité CGT de chômeurs marseillais, jugé pour violence contre des C.R.S. Il a été interpellé alors qu’avec d’autres il avait tenté d’empêcher l’expulsion d’un sans-papiers vers la Tunisie. 


Nous savons que c’est dans ce sens qu’il faut aller pour donner aux luttes des perspectives et des idées pour une société qui fonctionnerait sur des bases collectivistes et solidaires. Si 3000 compagnons de lutte sont venus soutenir le responsable CGT ce jour là, nous savons que rare sont les luttes qui parviennent à dépasser les sectorisations professionnelles, que depuis 10 ans les gouvernements prennent un malin plaisir à multiplier. Et c’est encore plus difficile lorsqu’il s’agit des chômeurs et des sans-papiers qui doivent réinventer des lieux de lutte politique pour donner du poids à leur revendications. La charité bien calculée, qu’elle soit publique ou privatisée, par les logiques de soumission qu’elles visent à nous faire intégrer, ne peut en aucun cas nous satisfaire.
La responsabilisation comme l’autonomie des individus ne peut se construire grâce à quelques subsides. Il faut pour cela participer à une activité sociale organisée collectivement dans le respect de chacun.

Jean — groupe Kronstadt  (Lyon)