Projet de loi sur la parité

Les femmes : dernier recours des politiciens


Ah, si Sissi Impératrice avait eu le pouvoir à parité avec François-Joseph ! L’histoire du monde en eût été toute changée. On aurait peut-être même pas eu la guerre de 14.  Bien sûr, les choses seraient différentes si les grands et grandes de ce monde passaient leur temps à se rouler dans l’herbe de la campagne ensoleillée en cueillant des brassées de fleurs des champs. Seulement, voilà... dans la vraie vie, les fleurs des champs, ces gens là n’en ont pas grand chose à faire, et en plus, les bouquets, ils se les font offrir.

Des femmes au pouvoir, il y en a toujours eu. Un peu. Il est vrai qu’en général, c’était faute de mieux, et qu’il s’agissait soit d’une conquête personnelle faite de coups fourrés et d’assassinats, soit de hasard de calendrier (diverses régences), soit les deux à la fois (les régences Médicis en tout particulier). Dans tous les cas, il ne s’est jamais agi de revendication de parité ou même d’égalité.

Quant aux temps modernes, les femmes au pouvoir sont encore souvent les filles de, ou les veuves de ; ce qui nous ramène aux temps féodaux évoqués plus haut (Indira Gandhi, Isabel Perron, Benazir Butho, voire, bientôt, la fille de Sukarno). Bien sûr il y a eu des événements politiques un peu hors norme dans quelques démocraties parlementaires où les chefs de parti se retrouvent à la tête de l’exécutif de façon plus automatique qu’en France. Israël avec Golda Meir, et bien sûr, l’inévitable Margaret Thatcher. Disons que l’occasion fait le larron mais que l’hirondelle ne fait pas le printemps. Et que pour ce qui fut de la paix dans le monde, ni l’une ni l’autre n’ont vraiment rogné les budgets militaires pour les refiler à  l’éducation ou pour construire des crèches.

Évidement, tous les parcours politiques ne se terminent pas à la fonction suprême qu’est la tête de l’État (sinon, il y aurait encore plus de meurtres et de mises en examen que nous n’en voyons). On peut faire une carrière politique lucrative en se contentant de ministères, même modestes. On peut aussi vendre son plan de carrière, ou se laisser acheter, ça dépend des points de vue. Et pour ça, le sexe n’a pas grand chose à voir.
 

Les coquins et les coquines

Prenez Ségolène Royal, par exemple. La première femme au gouvernement qui a pris un congé maternité. (C’est dire, au passage, tout le poids dont on a crédité son importance pour le bon fonctionnement du système : elle n’avait pas été remplacée. Alors que Chevènement, lui, si...) Bon, alors, Ségo qui criait à tue tête qu’on allait voir ce qu’on allait voir, que Fabius ou pas Fabius, elle allait se présenter pour être élue au perchoir de l’Assemblée nationale. Le président de la République, celui du Sénat et celui du Conseil constitutionnel étaient tous des hommes, elle serait la troisième personnage de l’État, sinon, gare. Et bien, rien du tout, on l’a calmée avec un faux ministère, une espèce de sous truc qui sert à pas grand chose, sauf à rencontrer les parents d’élèves et s’occuper de la cantine et du cartable des gosses, plus cliché féminin, tu meurs.

Sur ce, parlons un peu de la parité homme-femme dans les fonctions électives. Bien évidement, nous convenons, à priori, que le régime politique et nos dirigeants bien aimés rendent à la femme la place qui lui appartient, c’est à dire, celle d’égale dans une égale humanité.  « La modernisation de notre démocratie exige que les femmes prennent toute leur place dans notre vie politique. » Jacques Chirac.


Comme c’est joliment dit. Mais c’est un peu court. Qu’on nous explique pourquoi il faut moderniser « Notre démocratie » censée être La meilleure du monde. Pourquoi moderniser la démocratie tout court, puisqu’on nous chante à longueur de JT que c’est en soit Le seul système valable, et, surtout, pourquoi la démocratie qui signifie pourtant « pouvoir du peuple », n’avait pu jusque là laisser aux femmes toute leur place, et qu’elles ne peuvent toujours pas le faire de façon naturelle.

Très franchement, faites donc comme vous le voulez, on s’en fiche un peu. Avoir un ou une adversaire politique face à nous ne modifiera en rien ce que nous pensons de leur fonction. Bien des femmes, et quelles femmes ! ont été de formidables inspiratrices révolutionnaires bien avant que de petites bourgeoises désœuvrées ou de grandes énarques bien formatées ne se lancent dans l’art de la magouille.
 

Une opération de relookage

Mais arrêtons de tourner autour du pot, si les mecs accros au pouvoir se font hara-kiri pour laisser la place aux femmes, c’est bien qu’il y a des raisons. Moi, j’en vois au moins deux. Premièrement les taux d’abstention atteignent des records abyssaux depuis le seau d’eau froide que fut la tontonmania. Le public ne « mord » plus. Les élections ne sont qu’une redistribution régulière des parts de marché que sont les bribes de pouvoir. Plus on a de bribes de pouvoir, plus on s’approche du pouvoir absolu. En démocratie, le pouvoir absolu n’est pas souhaitable (c’est beaucoup trop d’emmerdements), donc on se le répartit poliment en vendant aux électeurs chacun sa version d’un même produit. Un peu comme les bagnoles.


Une bagnole, ça a quatre roues et un moteur mais il y en a plein de différentes. La politique c’est pareil. Or, n’importe quel commercial vous confirmera que de temps en temps, il faut réinventer la bagnole pour faire grimper les ventes. Tous les quatre ans, on réinvente la bagnole : traction avant, amortisseurs hydrauliques, haillon arrière, direction assistée, cinquième vitesse , ABS, GPL, sixième vitesse, monospace, micro voiture, etc. Et chaque marque a sa version de la même nouvelle voiture. La liste électorale avec autant de femmes que d’hommes c’est exactement la même chose. Ni plus ni moins. Dans les laboratoires politiques, le prochain prototype à l’étude, c’est le vote des étrangers. Le concept est le même. C’est peut-être ça que Madame Alliot-Marie trouve si insultant, sans pouvoir le dire en public et en ces termes.


La deuxième explication, qui n’est en rien contradictoire avec la précédente, c’est que le pouvoir politique (surtout municipal !...) a de moins en moins d’intérêt en termes de « pouvoir agir politiquement ». Le vrai pouvoir est financier et là, de parité, point. Cependant que c’est la même clique qui règne en classe dominante et possédante.


Pour être en position de pouvoir, il faut un capital financier, culturel et social (c’est ce qui définit la bourgeoisie). Ce sont les femmes qui ont ces capitaux qui seront en position de figurer sur les listes ; car il faut d’abord accéder aux rouages décisionnels des partis pour être candidat-e. Les mâles se recentrent sur la Bourse, les A.G. d’actionnaires et les salles de rédaction, mais confient à leurs femelles la tâche (de plus en plus ingrate, mais toujours lucrative) de veiller sur les rouages politiques, car il faut bien que quelqu’un les tienne. Alors, si ça peut faire plaisir...

Andi.B.