Fièvre à l’hôpital


Le ras-le-bol des personnels des hôpitaux de l’Assistance publique de Paris s’est d’abord exprimé dans les services des urgences. Engagée le 15 novembre à l’hôpital Saint-Antoine, puis à Saint-Louis le 23 novembre, la grève s’est étendue aux autres établissements de l’AP-HP. Ils étaient plusieurs centaines de grévistes jeudi 9 décembre sous les fenêtres du ministère de la santé pour exiger de meilleures conditions de travail. Non sans raison.


Des services d’urgences inadaptés faute de locaux adéquats, des moyens insuffisants ; une infirmière de nuit pour soixante-quinze malades ; quatre aides-soignantes pour faire quarante toilettes dans les services de gérontologie ; des journées de seize heures supplémentaires qui « explosent » ; un recours systématique à l’intérim… À lire et entendre les témoignages des agents hospitaliers, l’état de santé des hôpitaux publics ne s’est guère amélioré depuis les années Juppé et son fameux plan pour la « maîtrise des dépenses de santé ». Pire à en croire certains médecins « l’inacceptable serait atteint : « La fonction publique hospitalière se paupérise sans qu’on s’en aperçoive ». Certains ajoutent : Chez nous, même la sécurité des patients n’est plus assurée. Quant à la qualité… »


Les changements de gouvernement n’ont rien changé. À droite comme à gauche la même politique est appliquée depuis des années dans le domaine de la santé publique : il faut réduire les coûts, collaborer avec le secteur privé, restructurer et supprimer des lits. Là comme ailleurs, l’argent est roi. Il dicte les politiques sanitaires depuis longtemps ! La mise au pas des hôpitaux publics a débuté par une réforme comptable dans les années 80 : chaque établissement reçoit désormais un « budget global » versé pour l’année. Il faut donc faire avec les moyens alloués ; finis les budgets supplémentaires. En 1995, le plan Juppé pour les hôpitaux instaure des budgets à taux zéro (aucune augmentation du budget n’est autorisée), voire impose des diminutions de budget aux administrations hospitalières sans rapport avec leur activité réelle. Juppé met également en place les « agences pour l’hospitalisation » chargées de redéployer les moyens fianciers d’une région à une autre. L’arrivée de la gauche plurielle n’a pas beaucoup modifié cette organisation. Le gouvernement Jospin s’est bien gardé d’abroger le plan Juppé. Au contraire, il le poursuit.
La grogne dans les hôpitaux est la conséquence logique de ces politiques communes. La querelle Tiberi-Aubry apparaît alors comme une bouffonerie. Pour mémoire, Jean Tibéri, maire de Paris, est membre de droit de la direction de AP-HP. À ce titre, il a trouvé « ridicule » l’aide apportée aux urgences par Martine Aubry, ministre chargée des affaires sociales et de l’emploi : « 5 millions de francs pour que les urgences fonctionnent […]. Cette somme est ridicule comparée aux 100 millions de francs consentis par la ville de Paris. » Querelle de chiffres pour masquer une attitude identique. 11 000 lits vont être supprimés en Ile-de-France au cours des cinq prochaines années. Ni Aubry ni Tiberi ne s’y opposent…
 

Alain Dervin. ­ groupe Pierre Besnard