Nous apprenons dans l’édition
de novembre-décembre 1999 de « Direkte Aktion » la disparition
du militant antifasciste Paul Wulf. Ce personnage méconnu en France
mérite pourtant qu’on lui accorde ici quelques lignes, en hommage
posthume au travail de recherche qu’il a mené sur l’implication
dans le régime nazi de certaines personnes actuellement bien rangées
dans la société allemande. Il fut d’ailleurs considéré
outre-Rhin comme expert en la matière : il connaissait mieux que
quiconque les structures fascistes de la Bundesrepublik, les biographies
des fonctionnaires du troisième Reich. Il les suivait à la
trace et ne manquait pas une occasion pour dénoncer les horreurs
auxquelles ils avaient participé. L’horreur, Paul l’a vécu
directement dans sa chair. Né le 2 mai 1921 dans une famille indigente,
ses parents ne voient d’autre solution pour le faire vivre que de le confier
à un orphelinat en 1928.
Pupille de l’assistance publique, il est
emprisonné sous le régime fasciste pour « déficience
mentale grave ». Ce qui équivaut à une condamnation
à mort. À nouveau, ses parents, pour le sauver, acceptent
en 1938 de le faire stériliser sous le coup des lois en vigueur.
Paul restera traumatisé toute sa vie par cette terrible épreuve.
Après la seconde guerre mondiale, il s’engagera dans une lutte sans
merci pour la réhabilitation et l’indemnisation des victimes de
l’eugénisme. Durant plus de trente ans, il se battra pour les quelques
400 000 stérilisés de force et ce n’est qu’en 1981 que le
Parlement fédéral octroiera une indemnité de 5 000
DM aux victimes.
Paul Wulf se définissait comme
« anarchiste et communiste ». C’était un passionné
d’Erich Mühsam, dont il avait lu tous les écrits (articles,
livres, pièces de théâtre). Souffrant d’une pathologie
cardiaque assez grave à la fin de sa vie, soumis à une médicamentation
de plus en plus lourde, il craignait avant tout de se retrouver en maison
de retraite. Il ne l’aurait pas supporté car, disait-il, il y rencontrerait
tous ses opposants politiques, les anciens nazis. Cette ultime épreuve
lui sera épargnée puisqu’il mourra dans son sommeil le 3
juillet 1999. Paul Wulf lègue par testament l’ensemble de ses recherches
(livres, photos, archives) à l’institut Villa von Tempel, centre
de documentation antifasciste.
En guise d’épitaphe, nous relirons
ce vers d’un poème de Mühsam, assassiné lui aussi par
les nazis extrait de « Der Tote » : « Wollt Ihr Gutes
tun, die der Tod getroffen, Menschen lasst die Toten ruhn und erfüllt
ihr Hoffen». (Si vous voulez être agréables aux morts,
vivants laissez-les en paix et exaucez leur espérance).