ML : En deux mots, peux-tu te présenter
?
Sylvie : Je suis adjoint administratif
à 6 700 F par mois. Je suis devenue employée municipale en
1985.
ML : Es-tu syndiquée ?
Sylvie : Oui à FO.
ML : Comment a débuté
le mouvement ?
Sylvie : La CGT a lancé
une pétition mi-novembre, concernant l’application d’un décret
datant de 1997 permettant aux communes d’octroyer une indemnité
dite de « mission de Préfecture », d’un montant variable
: de 513 à 1925 F par mois pour ma catégorie.
ML : Ensuite ?
Sylvie : Suite à cela, une
AG, à l’appel de l’intersyndicale (CGT-CFDT-FO) a eu lieu le 23
novembre. Plus de 500 personnes étaient présentes. Décision
unanime a été prise d’une grève reconductible à
compter du lundi 29 novembre.
ML : Quelle était précisément
la revendication ?
Sylvie : L’obtention de la prime
pour les ayant droits, à hauteur de 1000 F nets mensuel tous grades
confondus.
ML : Et pour les catégories n’y
ayant pas droit ?
Sylvie : L’idée était que
cette avancée, si elle était obtenue, permettrait d’une part
de limiter les inégalités par rapport à certaines
catégories techniques à dominante masculine, d’autre part
était une brèche pour toutes les catégories et au-delà
pour tous les salariés.
ML : Comment a fonctionné le
mouvement ?
Sylvie : Lundi, 1er jour de grève,
nous avons occupé la salle de la Cité, lieu historique, politiquement
et culturellement, de Rennes. Ensuite, le lendemain, nous avons décidé
d’occuper nuit et jour les salons dorés de l’Hotel de Ville. Du
jamais vu depuis 1968 !
ML : Et le fonctionnement des AG ?
Sylvie : Il y en avait tous les
jours, en général deux. Des mandats précis pour les
éventuelles négociations étaient donnés à
l’intersyndicale. Celle-ci rendait compte des discussions au fur et à
mesure et l’AG décidait alors la tactique à adopter pour
développer la pression. Des commissions ont été créées
aussi (sécurité, intendance, communication…) pour être
plus efficaces.
ML : Quelle a été l’attitude
du Maire, Edmond Hervé ?
Sylvie : C’est un maire PS… Pendant
une semaine il n’a rien voulu savoir. Il ne voulait pas reconnaître
le décret. Ensuite, il a tenté de diviser le personnel en
accordant à certaines catégories quelques avancées.
Il a fait pression aussi, sur les médias pour que progressivement
plus aucun communiqué de soutien n’apparaisse. « Ouest France
», le quotidien incontournable, a commencé à distiller
alors des courriers de lecteurs mécontents des « privilégiés
encore en grève ». Finalement le Maire a proposé, le
9e jour, 208 F au 1er janvier 2000 et 208 F supplémentaires au 1er
janvier 2001. Inacceptable !
ML : Concrètement, qu’est-ce
qui était bloqué ?
Sylvie : Le courrier de tous les
services, les crèches, la restauration scolaire dans les écoles,
les centres de loisirs et d’accueil, le standard, l’informatique, l’usine
d’épuration, la Direction des Approvisionnements, l’état
civil et même la voiture de Monsieur le maire dont le chauffeur était
en grève !
ML : Avez-vous eu des soutiens extérieurs
?
Sylvie : Oui, beaucoup. Le soutien
politique et financier du groupe La Commune de la FA, mais aussi celui
des postiers, des impôts, du centre hospitalier, de parents d’élèves,
des municipaux de Saint-Malo, des instituteurs FO, des unions locales et
départementales CGT et FO et aussi des salariés de Robin
Chatelain, boîte de transport, qui sortaient d’une grève victorieuse
après 13 jours. Tout cela fait beaucoup de bien et a fait mûrir
le mouvement.
ML : Et l’attitude de l’intersyndicale
?
Sylvie : Au début très
soudée et poussée par la base. Des failles sont apparues
jeudi 9 décembre. La CFDT, très liée aux élus
PS, a été fortement recadrée. Des grandes manœuvres
ont alors commencées. Pour la CGT, c’est l’adjoint au Maire PC qui
est venu samedi 11 expliquer qu’il était grand temps d’arrêter.
ML : Et lundi 13 ?
Sylvie : La CGT et la CFDT ont
demandé un vote à bulletin secret sur des dernières
propositions du Maire, à savoir : 416 F nets mensuel au 1er janvier
2000. Sur les 15 jours de grève (week-end compris), 5 jours non
comptabilisés, 5 jours à prendre éventuellement sur
les congés, 5 jours à décompter sur les salaires 1
jour par mois à partir de mars 2000.
ML : Résultat du vote ?
Sylvie : Prévisible : 797
votants, 18 abstentions, 504 oui, 275 non.
ML : Au bout du bout, ton bilan ?
Sylvie : Positif malgré
tout. D’abord 416 F nets mensuel au jour d’aujourd’hui, avec les lois Aubry
et toutes les autres attaques, ce n’est pas négligeable. Ensuite
c’est la découverte, pour beaucoup de personnes, notamment des femmes
très majoritaires dans le conflit, de la force collective, d’une
démocratie syndicale possible, de la convivialité dans la
lutte. Plus jamais les choses ne seront comme avant. Lucidement, un comité
de vigilance a été créé pour éviter
les éventuels règlements de comptes de la hiérarchie.