Communaux rennais : une grève exemplaire !

Lundi 29 novembre, un millier d’agents, notamment de la filière administrative, de la Ville de Rennes, décidait d’une grève reconductible. Pas un élu, pas même un syndicaliste sans doute, n’auraient parié ce jour-là que la lutte, de plus en plus déterminée, durerait 15 jours.
Au terme du mouvement, lundi 13 décembre, Sylvie, proche du groupe La Commune, fait le bilan pour le Monde Libertaire.

ML : En deux mots, peux-tu te présenter ?
Sylvie : Je suis adjoint administratif à 6 700 F par mois. Je suis devenue employée municipale en 1985.

ML : Es-tu syndiquée ?
Sylvie : Oui à FO.

ML : Comment a débuté le mouvement ?
Sylvie : La CGT a lancé une pétition mi-novembre, concernant l’application d’un décret datant de 1997 permettant aux communes d’octroyer une indemnité dite de « mission de Préfecture », d’un montant variable : de 513 à 1925 F par mois pour ma catégorie.

ML : Ensuite ?
Sylvie : Suite à cela, une AG, à l’appel de l’intersyndicale (CGT-CFDT-FO) a eu lieu le 23 novembre. Plus de 500 personnes étaient présentes. Décision unanime a été prise d’une grève reconductible à compter du lundi 29 novembre.

ML : Quelle était précisément la revendication ?
Sylvie : L’obtention de la prime pour les ayant droits, à hauteur de 1000 F nets mensuel tous grades confondus.

ML : Et pour les catégories n’y ayant pas droit ?
Sylvie : L’idée était que cette avancée, si elle était obtenue, permettrait d’une part de limiter les inégalités par rapport à certaines catégories techniques à dominante masculine, d’autre part était une brèche pour toutes les catégories et au-delà pour tous les salariés.

ML : Comment a fonctionné le mouvement ?
Sylvie : Lundi, 1er jour de grève, nous avons occupé la salle de la Cité, lieu historique, politiquement et culturellement, de Rennes. Ensuite, le lendemain, nous avons décidé d’occuper nuit et jour les salons dorés de l’Hotel de Ville. Du jamais vu depuis 1968 !

ML : Et le fonctionnement des AG ?
Sylvie : Il y en avait tous les jours, en général deux. Des mandats précis pour les éventuelles négociations étaient donnés à l’intersyndicale. Celle-ci rendait compte des discussions au fur et à mesure et l’AG décidait alors la tactique à adopter pour développer la pression. Des commissions ont été créées aussi (sécurité, intendance, communication…) pour être plus efficaces.

ML : Quelle a été l’attitude du Maire, Edmond Hervé ?
Sylvie : C’est un maire PS… Pendant une semaine il n’a rien voulu savoir. Il ne voulait pas reconnaître le décret. Ensuite, il a tenté de diviser le personnel en accordant à certaines catégories quelques avancées. Il a fait pression aussi, sur les médias pour que progressivement plus aucun communiqué de soutien n’apparaisse. « Ouest France », le quotidien incontournable, a commencé à distiller alors des courriers de lecteurs mécontents des « privilégiés encore en grève ». Finalement le Maire a proposé, le 9e jour, 208 F au 1er janvier 2000 et 208 F supplémentaires au 1er janvier 2001. Inacceptable !

ML : Concrètement, qu’est-ce qui était bloqué ?
Sylvie : Le courrier de tous les services, les crèches, la restauration scolaire dans les écoles, les centres de loisirs et d’accueil, le standard, l’informatique, l’usine d’épuration, la Direction des Approvisionnements, l’état civil et même la voiture de Monsieur le maire dont le chauffeur était en grève !

ML : Avez-vous eu des soutiens extérieurs ?
Sylvie : Oui, beaucoup. Le soutien politique et financier du groupe La Commune de la FA, mais aussi celui des postiers, des impôts, du centre hospitalier, de parents d’élèves, des municipaux de Saint-Malo, des instituteurs FO, des unions locales et départementales CGT et FO et aussi des salariés de Robin Chatelain, boîte de transport, qui sortaient d’une grève victorieuse après 13 jours. Tout cela fait beaucoup de bien et a fait mûrir le mouvement.

ML : Et l’attitude de l’intersyndicale ?
Sylvie : Au début très soudée et poussée par la base. Des failles sont apparues jeudi 9 décembre. La CFDT, très liée aux élus PS, a été fortement recadrée. Des grandes manœuvres ont alors commencées. Pour la CGT, c’est l’adjoint au Maire PC qui est venu samedi 11 expliquer qu’il était grand temps d’arrêter.

ML : Et lundi 13 ?
Sylvie : La CGT et la CFDT ont demandé un vote à bulletin secret sur des dernières propositions du Maire, à savoir : 416 F nets mensuel au 1er janvier 2000. Sur les 15 jours de grève (week-end compris), 5 jours non comptabilisés, 5 jours à prendre éventuellement sur les congés, 5 jours à décompter sur les salaires 1 jour par mois à partir de mars 2000.

ML : Résultat du vote ?
Sylvie : Prévisible : 797 votants, 18 abstentions, 504 oui, 275 non.

ML : Au bout du bout, ton bilan ?
Sylvie : Positif malgré tout. D’abord 416 F nets mensuel au jour d’aujourd’hui, avec les lois Aubry et toutes les autres attaques, ce n’est pas négligeable.  Ensuite c’est la découverte, pour beaucoup de personnes, notamment des femmes très majoritaires dans le conflit, de la force collective, d’une démocratie syndicale possible, de la convivialité dans la lutte. Plus jamais les choses ne seront comme avant. Lucidement, un comité de vigilance a été créé pour éviter les éventuels règlements de comptes de la hiérarchie.

propos recueillis par des militants du groupe La Commune (Rennes)