éditorial
La fabrication du futur est un souci permanent
du pouvoir et ce à toutes les époques et sous toutes les
latitudes. Événements mystiques, épidémies,
faits d’armes et monuments jalonnent ainsi l’histoire officielle justifiant
l’existence des nations, des États et des religions qui les accompagnent.
Sauf que sous le vernis mystificateur apparaît une réalité
tout autre qui révèle des constructions sociales certes moins
héroïques mais où la persévérance et le
travail obscur des masses anonymes sont largement plus déterminant
dans la création et l’accumulation des richesses collectives, aussi
bien matérielles que scientifiques et culturelles.
C’est ainsi que les gouvernants du moment
avaient cru bon de nous fabriquer un événement majeur à
l’occasion de l’an 2 000 des chrétiens doublé d’un vaste
battage sur l’éventuel cataclysme dû à un bogue informatique.
L’affaire se présentait bien et tous les médias s’en délectaient.
Manque de pot, deux éléments
non prévu mais pas imprévisibles sont venus semer la zizanie
dans leur scénario.
La marée noire est venu nous rappeler
que la recherche du profit allait toujours de pair avec des catastrophes
humaines, sociales et écologiques en dépit des discours lénifiants
sur les bienfaits de la bourse et des fonds de pensions. De la même
manière, les vents à 200 km/h et les inondations ont remis
à leur juste place toutes les évolutions technologiques et
informatiques qui ont beaucoup trop tendance à nous rendre la condition
humaine virtuelle.
Eh oui, il faut toujours des millions
de km de câble pour faire circuler l’énergie. Il faut aussi
les fabriquer, les poser, les entretenir et cela demande certes des moyens
matériels mais encore beaucoup d’efforts et de travail manuel, fait
par des ouvriers pas du tout virtuels.
Ce sont encore des individus avec leurs
petits seaux et leurs petites pelles qui nettoient les plages et les rochers
malgré les propos insultants d’une Voynet qui se permet de comparer
l’incomparable. Comme si les dizaines de milliers de morts du Venezuela
permettaient de tenir pour quantité négligeable les saloperies
d’un capitalisme bien franchouillard qu’elle ménage pour raison
d’État sans doute.
Là-bas comme ici les dirigeants
essaient de masquer leur incurie et leur responsabilité en jouant
sur la corde sensible de la fatalité et de la solidarité.
Ils nous jettent quelques millions à la gueule comme faire-valoir.
Au bout du compte la seule solidarité en laquelle nous pouvons avoir
confiance est celles de ces individus qui gratuitement et généreusement
essaient de faire face tant sur les côtes qu’en hébergeant
des sinistrés. Ceux-là agissent sans arrière-pensées
alors que les simagrées d’un Jospin ou d’un Chirac ne trompent personne.
La solidarité est une nécessité sociale et humaine,
en aucun cas un concept d’État !