The Big One

Mickael Moore

 
Mickaël Moore avait réalisé en 1989 « Roger et moi », film qui relatait le plongeon dans la misère de la ville de Flint (Michigan) suite à la fermeture d’une usine de Général Motors tenue par le Pdg Roger Smith. M. Moore cherchait à « coincer » le fameux Roger… Cette fois la trame est la même : dénoncer le capitalisme sauvage et ses conséquences sur la vie des gens. Sur ce terrain là, M. Moore est décapant et drôle (même si le rire est parfois jaune). Se succèdent sans lenteur à l’écran : le flicage patronal autour d’une section syndicale qui se monte, la délocalisation d’entreprises bénéficiaires au Mexique et en Indonésie, une autre entreprise qui ferme justement parce qu’elle a réalisée suffisamment de bénéfices (on presse le citron et puis on le jette !), et tant d’autres épisodes d’un feuilleton qui n’est malheureusement pas seulement américain.


Le souhait de M. Moore en faisant son film : « j’espère que les gens ressortiront de ce film en colère ». On en ressort pas forcément en colère (sauf pour ceux qui croyaient au mythe paradisiaque de l’Amérique), mais heureux qu’une telle dénonciation puisse être de nouveau montrée à l’écran. La rencontre à la fin du film entre M. Moore et le PDG de l’entreprise Nike ne renforce qu’une idée : la classe capitaliste même sous l’apparence de PDG branché et cool (en basket et en jean) est une nuisance pour l’ensemble de la société. Et M. Moore parvient à la faire passer, peut-être malgré lui, en jouant un jeu avec le Pdg de Nike. Le passage sur le travail des enfants en Indonésie (qu’ils aient 14, 15, ou 16 ans, cela importe peu) est très clair : aucune loi ne fera reculer Nike dans la course au championnat de l’exploitation qui est somme toute le fondement même de l’entreprise. Dixit le Pdg moderne de Nike.


Pour ce qui est des perspectives, on peut sans problème dire qu’il n’y en a aucune dans ce film. Et là, les anarchistes ont de quoi rager. Aux patrons (ou Directeur des Ressources Humaines) qu’il rencontre et qui disent que l’entreprise doit satisfaire les besoins des actionnaires, M. Moore leur dit : « la constitution américaine ne stipule pas que les entreprises doivent travailler pour des actionnaires ». Voilà bien l’unique perspective offerte. The Big One est du même acabit que le livre de V. Forester « l’Horreur Économique » : pousser jusqu’à l’absurde la logique et les contradictions criantes du capitalisme, montrer les ravages qu’il cause, et… ensuite ? Un réformisme modéré et à peine avoué. La différence, c’est qu’avec M. Moore il y a l’image, la satire et le rire en plus. Tandis qu’avec V. Forester cela relevait plutôt d’un humanisme qui pleurait son mal au cœur devant la réalité sociale. En voyant The Big One (qui signifie le géant, nom choisi pour rire par M. Moore en parlant des États-Unis), on pense aux récents événements de Seattle qui ont montré qu’une Amérique rebelle était toujours là et que l’Amérique est un géant aux pieds fragiles.

Manu. — groupe Kronstadt (Lyon)