Des militants du collectif anti-expulsion condamnés

La solidarité réprimée


Rappel des faits : le 12 juin 1998, 200 militants, à l’appel du Collectif anti-expulsion, occupent des locaux de la SNCF gare du Nord, loués à la DICCILEC (PAF) pour servir de zone d’attente et l’état-major parisien de la DICCILEC. Après avoir été délogés à coups de matraque, 66 personnes sont interpellées, cinq sont inculpées (aucune inculpation n’a été portée pour occupation illégale des bureaux de la DICCILEC ou violation de domicile). Après une instruction de 14 mois, seules deux personnes restent inculpées de supposés coups et blessures, leur procès a eu lieu le 26 novembre 1999, le verdict a été rendu le 17 décembre 1999. Le verdict est tombé, sans surprise quant à sa sévérité d’une part, sa demi-mesure d’autre part. Un an de prison pour l’un des inculpés (dont 4 mois fermes) et plus de 300 000 F de dommages et intérêts, relaxe pour l’autre.


L’importance de la peine prononcée n’a rien de surprenant pour qui est habitué des procès « suite aux actions », alors que les accusations de violence y sont systématiques, alors que le témoignage d’un flic prévaut quoi qu’il arrive. Dans ce cadre la relaxe est une victoire puisque le tribunal a enfin reconnu qu’il y a au moins un menteur parmi les forces de police (rappelons ici que le juge d’instruction avait auparavant démasqué un faux en écriture fourni par la police ce qui avait entraîné le non-lieu pour un autre inculpé).
Ce qui est plus inquiétant, c’est le manque de mobilisation d’organisations et d’associations du « mouvement social » qui, bien que connaissant les règles du jeu : flic contre militant et condamnation systématique du militant, n’ont même pas jugé utile d’exprimer publiquement leur préoccupation sur ce procès, à défaut de mobiliser pour la relaxe de nos camarades. C’est laisser les mains libres aux forces de répression : ce qui revient à laisser condamner ceux qui n’ont pas varié dans leur discours et leur engagement en refusant d’accepter, qu’elle soit de gauche ou de droite, la politique de l’immigration, de l’exploitation accrue par la précarisation des travailleurs.


Les lois Chevènement ont été considérées comme des avancées alors que quiconque s’intéresse à l’immigration sait qu’elles créent les conditions de la disparition de la carte de résident de 10 ans et font régresser les progrès vers l’égalité des droits. La plupart des organisations et associations qui se sont affichées en 1996 au côté des Saint-Bernard ont entériné cet état de fait (et l’existence durable de dizaines de milliers de sans-papiers « officiels » sur le territoire pour le plus grand profit de l’économie capitaliste) et se lancent maintenant dans une campagne pour le droit de vote des immigrés, justifiant leur abandon des sans-papiers qu’ils prétendaient défendre contre Juppé et Debré. Aujourd’hui, ils reprennent dans les manifs le mot d’ordre « Des papiers pour tous », alors qu’ils l’ont toujours combattu, parfois même en s’affrontant physiquement à ceux qui l’avançaient.
Puisqu’ils laissent la répression de l’État (P.S., M.D.C., P.C., Verts) s’abattre sans réagir, laissant aussi passer les morts (Mohsen Sliti le 9 juin 1999 à Marseille), ne réagissant pas à l’acquittement en juin 1999 des deux officiers de la DICCILEC responsables de la mort d’un expulsé Sri lankais en 1991, il leur a été facile de laisser seuls Franck et Yann face à la répression d’une action menée par plus de 200 personnes qui à l’époque (juin 1998) représentaient diverses organisations.


Les comités de chômeurs de Marseille ou la C.G.T. ont compris l’enjeu de tels procès et les risques de systématisation de ces poursuites pénales « pour l’exemple ». Ils se sont donné les moyens d’y répondre collectivement (véritables mobilisations aux procès de Michel Beurier à Clermont et de Charles Hoareau à Marseille). 14 600 personnes poursuivies dans le cadre du mouvement social et syndical d’après Maxime Gremetz ! (Le Parisien, 21 décembre 1999). Poursuivons la lutte contre la politique française et européenne de l’immigration jusqu’à obtenir la liberté de circulation et d’installation, et l’égalité des droits. 

Collectif anti-expulsions

37, rue des Maraîchers, 75020 Paris