Les sectes contre les individus
Les médias dont le premier souci
est d’augmenter leurs ventes en faisant des dossiers chocs et sensationnels,
s’intéressent de plus en plus aux sectes et aux dangers qu’elles
peuvent représenter. Ainsi lors de l’éclipse du 11 août
dernier nous a-t-on averti de la forte probabilité de suicides d’adeptes
de sectes et l’État nous assurait que la police surveillait et veillait
sur ces illuminés de la tronche. Résultat, il ne s’est rien
passé.
Alors, y aurait-il derrière tout
ce battage une volonté d’initier une nouvelle chasse aux sorcières
ou bien y a-t-il réellement danger à voir se multiplier le
nombre d’individus aspirés par ces mystiques nouvelles?
Qu’est ce qu’une secte ?
Mais tout d’abord essayons de définir
ce qu’est une secte. En effet, ce mot est utilisé à toutes
les sauces alors qu’aucun mouvement religieux ou politique ne se reconnaît
comme une secte. La secte est toujours chez les autres. Aussi pour essayer
de les démasquer devons-nous définir des critères
comme le fait judicieusement l’ADFI (association de défense de la
famille et de l’individu). Remarquons que toute secte tend à embrigader
ses adeptes à partir des paroles, des textes et des pouvoirs qu’est
censé donner ou avoir le maître, le gourou, le chef, le guide,
l’initiateur…
La plupart du temps, la secte exige l’engagement
total de l’individu tant sur le plan familial que personnel et financier.
L’objectif est d’enclencher une rupture d’avec les proches et les amis
qui ont, bien entendu, des effets néfastes et sont grandement responsables
du mal vivre et des angoisses du nouvel adhérent. Le gourou acquiert
ainsi progressivement une emprise de plus en plus forte au point qu’il
arrive à ce que les seuls liens affectifs de sa nouvelle proie se
résument aux membres de la secte.
Une fois cette situation créée,
il devient très difficile de reprendre pied sans entrer dans un
conflit violent, avec souvent des menaces de « représailles
divines » ou autres, et l’isolement social dans lequel se trouve
placé l’individu ne facilitent pas du tout les choses.
Là se trouve le danger essentiel
des sectes : faire perdre toute autonomie et toute liberté à
l’individu. Pour en faire un serviteur à la dévotion de la
seule volonté du gourou ou de ses représentants. Il est impossible
de discuter les décisions prises par le guide spirituel. La secte
fonctionne comme lieu d’enfermement totalitaire en exerçant une
pression hyper autoritaire de type fascisant sur chaque individu par tous
les autres individus du groupe. Ceux et celles qui arrivent à rompre
cette logique infernale sont souvent brisés et mettent longtemps
avant de trouver une vie à peu près équilibrée
dans la société.
La secte développe son propre système
social, donnant et disant à chacun ce qu’il faut penser et comment
il faut vivre, elle codifie un vocabulaire spécifique pour faire
en sorte que les membres qui la constituent vivent dans un monde parallèle
au nôtre.
Une secte peut tout atant avoir des objectifs
politiques que religieux comme dans le cas de l’Opus Dei, de la secte Moon,
des mouvements charismatiques, etc. À partir d’un mysticisme, la
secte construit un système irrationnel comme dans le cas de la secte
fondée par le « frère Thomas ». Il avait observé
que « l’oignon s’épanouissait pleinement » quand on
lui coupait la tige et qu’ainsi l’oignon « va vers la perfection
et vivra toujours ». Il parcourt la France en 1929 et créa
un groupe d’illuminés et certains d’entre eux voyant dans l’histoire
de la tige de l’oignon coupé un appel à l’émasculation,
passèrent à l’acte pour mieux s’épanouir ! On voit
jusqu’où peut conduire l’irrationnel.
Ce n’est pas par hasard que Ron Hubbard,
fondateur de l’Église de Scientologie, affirme « l’homme peut
maintenant changer la nature de l’homme et peut la changer de façon
très fondamentale et radicale ». C’est effectivement cela
le but des sectes : changer l’homme avec des arguments mystico-religieux
afin d’en faire un esclave au service de la secte.
Pour conclure sur ce point, résumons
les principaux paramètres qui peuvent différencier une secte
d’un groupement quelconque : Tout d’abord il y a la présence d’un
maître incontesté, aimé et craint tout à la
fois. S ‘y ajoute une technique de manipulation mentale ayant pour objectif
la destruction de tout le passé des adeptes. Cela est suivi par
une reconstruction avec les idées propres au groupe constituant
une pensée et un sentiment unique pour tous. C’est toujours un message
soi-disant inspiré ultime et unique salut des individus qui s’y
soumettent (religieux, ésotérique, écologique,… tout
peut être utilisé). Il y a matraquage intellectuel et affectif
qui empêche toute réflexion personnelle pour arriver à
créer artificiellement une nouvelle famille, celle des « sauvés
» des « élites », etc. Il y a obéissance
aveugle et une surveillance mentale voire physique à une hiérarchie
extrêmement structurée.
Les sectes en France en quelques chiffres
Le rapport Guyard (1996) recense 173 groupes
sectaires totalisant 160 000 adeptes dont 130 000 Témoins de Jéhovah.
Un demi-million de français seraient plus ou moins touchés
par le phénomène. Le Journal Officiel annonce aux alentours
de 800 créations de groupes religieux chaque année. Sans
vouloir les qualifier toutes de sectes, cela donne une idée de la
production et de l’impact des idées religieuses ainsi que des débats
et des ruptures qui ont lieu dans ces milieux. Si les sectes ont toujours
existé, d’un point de vue historique force est de constater qu’actuellement
elles connaissent une grande croissance. Il y a pour cela plusieurs explications.
Tout d’abord cette fin de siècle a
apporté son lot de déceptions. Le capitalisme et le progrès
ne font pas forcément la joie de tous, la misère sociale
s’amplifie et cela conduit bien souvent à l’atomisation des personnes.
Le manque de perspectives politiques et sociales entraîne aussi beaucoup
de lassitude, ce qui peut transformer certaines personnes en adeptes potentiels
pour les sectes.
Car les sectes proposent un avenir radieux
aux personnes paupérisées ou seules. Elles tiennent un discours
convivial : on parle de « frères » à des individus
plongés dans la solitude. Les sectes savent prendre en compte le
manque de confiance de chacun en l’avenir professionnel et personnel, dans
une époque marquée par le chômage, les statuts précaires
et le « chacun pour soi ». Elles utilisent des phrases toutes
faites telles que « tu es quelqu’un de formidable », «
le système nie ton potentiel mental incomparable »… Bref les
sectes essaient de donner à chacun l’impression d’être écouté
et pris en compte. Bien entendu leur objectif est tout autre puisqu’il
s’agit de détruire la personnalité. Mais des individus fragilisés
dans leurs conditions d’existence peuvent se laisser prendre par ces mensonges.
Les anciens adeptes parlent d’ailleurs
de cette escroquerie dans leurs témoignages : « on m’écoute,
on s’intéresse à moi », « on nous fait miroiter
l’accès à une connaissance secrète », «
oui j’étais sensible à la mise en scène de pacotille
lors de la première rencontre avec le gourou, mais il y avait aussi
les réunions qui durent des heures », « l’obéissance
à des règles : ne pas fumer ni manger de viande, la vie sexuelle
contrôlée »…
Petit à petit il leur devient difficile
d’oser une critique et même de penser puisque l’on est « sur
la bonne voie ». Outre les personnes en manque de relations humaines
ou les exclus, il y a d’autres personnes susceptibles d’être attirées
par les sectes. Il s’agit de celles qui sont préoccupées
par le pouvoir et la réussite sociale. Parmi les adeptes o trouvent
d’anciens étudiants ayant abandonné leurs études,
des diplômés qui jugent leur métier insuffisamment
prestigieux et même des médecins ou des scientifiques qui
estiment avoir été privé de l’aisance, de la reconnaissance
ou du pouvoir que leur niveau d’instruction devait leur garantir.
Il faut remarquer quand même que
la grande majorité des adeptes ont reçu une éducation
religieuse dans leur enfance et qu’ils sont toujours en recherche de dieu
et d’expériences mystico-religieuses. La secte sait répondre
à ces attentes Comme le dit une ancienne adepte, « on ne rentre
pas dans une secte par hasard ». L’irrationnel joue un grand rôle
et il est fréquent de voir d’anciens adeptes intégrer une
autre secte ou rejoindre une religion « officielle ».
Le point de vue des anarchistes
Pour nous, les sectes représentent
un réel danger car elles détruisent ce qui fait d’un être
humain un individu. Il n’y a plus de raison ni de conscience ni de choix
pour la victime : l’adepte. Elle devient un esclave et un fanatique. Comme
le disait Gustave le Bon « ce n’est pas avec la raison et c’est le
plus souvent contre elle que s’édifient les croyances capables d’ébranler
le monde ». tout cela est à l’opposé de nos aspirations.
Nous voulons une société d’êtres humains libres, vivant
sur les bases de l’égalité économique et sociale.
Ce qui implique la suppression des hiérarchies qui créent
les maîtres, les gourous, les curés, les dieux, les patrons,
les chefs?
Les sectes sont le fruit d’une société
malade où certains cherchent la fuite et l’irrationnel. Nous nous
pensons que les luttes sociales peuvent changer le monde !
Régis Boussières. — groupe Kronstadt
(Lyon)