Avortement - contraception…
Les femmes toujours en « liberté
conditionnelle » !
Le 17 janvier 2000 marquera les 25
ans de la loi sur l’IVG (interruption volontaire de grossesse) dite loi
Veil. On s’attend à une mobilisation des anti-IVG, des intégristes
de toutes les religions qui cherchent, à la moindre occasion, de
remettre en cause nos quelques acquis en matière de contraception
et d’avortement gagnés par de longues luttes. Cependant, il est
nécessaire de revenir sur la législation de l’avortement
et de la contraception qui ne permet pas à toutes les femmes la
libre disposition de leur propre corps.
Inégalités devant la contraception
En ce qui concerne la contraception, des progrès
notoires ont été accomplis depuis la loi dite « Neuwirth
» de 1967 qui légalise l’usage de la contraception, celle
de 1974 qui instaure la gratuité et l’anonymat dans les centres
de planification pour les mineures, etc. Or, il faut le rappeler, l’information
sur la contraception hors des établissements agréés
est toujours interdite en tant que « propagande antinataliste »
(six mois à 2 ans de prison et/ou 2 000 à 3 000 F d’amende).
D’autre part, Martine Aubry réaffirme que la contraception féminine
s’est généralisée avec deux types de situation difficile
: les premières relations sexuelles sans moyen contraceptif et les
« oublis de contraception ». Elle ajoute tout de même
qu’il ne faut pas négliger les inégalités sociales
: « il y a un moindre accès des femmes d’origine plus modeste
à l’information et aux méthodes contraceptives » et
souligne que « le recours à la pilule est lié au niveau
d’éducation et d’insertion sociale ». Sur le terrain, cette
situation est claire, la précarité économique oblige
à certains choix dans les dépenses et dans les priorités.
Tous les moyens contraceptifs sont loin d’être remboursés.
Quant à la pilule de la troisième génération,
elle ne l’est toujours pas. Le lobby pharmaceutique fait ici, comme pour
d’autres médicaments, passer leurs intérêts avant la
santé publique. Martine Aubry annonce un générique
pour la fin 2000… le gouvernement a besoin d’appuis, donc !
Depuis 1982, aucune campagne d’information
sur la contraception n’a eu lieu : à qui la faute ? Certes aujourd’hui,
après des mois et des mois, elle arrive enfin le 11 janvier 2000.
On ne peut que s’en réjouir, même si ses effets seront plutôt
limités. Pendant quelques semaines, différents médias
diffuseront l’information ; ensuite ce sera aux bénévoles
de prendre le relais. Et après ? Non seulement cette campagne ne
remet pas en question les principes existants, mais elle ne vise pas un
accès durable à l’information.
La pilule du lendemain pour les mineures ?
Quant à la pilule du lendemain, l’une
d’elles, le Norvelo est en vente libre, et donc non remboursée,
depuis le 1er juin 1999. Ségolène Royal ayant annoncée
qu’elle serait délivrée par les infirmières scolaires
dans les lycées, mais, bien sûr, dans des conditions limitées,
les forces réactionnaires ont donné de la voix. Tous les
délires habituels sont revenus à la « une » des
journaux. Certains ont expliqué que cette décision contrevenait
à la loi de 1967, « les contraceptifs hormonaux et intra-utérins
ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale
» ; or le gouvernement s’appuie sur une directive européenne
du 31 mars 1992 qui classe ce contraceptif dans la catégorie des
médicaments ne nécessitant pas de prescription. D’autres,
au nom de leur ordre moral, s’inquiètent de ce que les parents soient
les oubliés de l’histoire… mais n’est-ce pas aux jeunes femmes mineures
de décider du risque éventuel d’une grossesse !
L’avortement encore un délit !
Ce qui nous amène à l’IVG :
le rapport Uzan estime à près de 10 000 les grossesses non
désirées chez les très jeunes femmes ; le rapport
Nisand estime à 5 000 le nombre de femmes obligées d’aller
à l’étranger pour avorter. Derrière ces chiffres,
se cachent aussi tous les drames…
L’IVG est aujourd’hui possible mais dans
des conditions très restrictives, l’entretien préalable obligatoire
pour toutes, des délais très courts, l’autorisation des parents
pour les mineures, et pour les femmes étrangères la preuve
de résidence de trois mois sur le territoire. Si ces conditions
ne sont pas respectées, c’est la loi de 1920 qui s’applique, l’avortement
est un délit pour le code pénal qui prévoit des sanctions
de deux ans de prison et 200 000 F d’amende. Les femmes qui ne répondent
pas aux conditions sont avant tout celles qui connaissent les situations
de précarité économique et sociale, sans oublier qu’elles
sont souvent confrontées aux intégristes religieux dans leur
quartier.
Ce que nous voulons
La situation est loin d’être satisfaisante
et il est plus que nécessaire de repasser à l’offensive.
Il ne s’agit pas d’aller discuter un alinéa d’un article ou du toilettage
d’une loi qui reste liberticide. Il s’agit de créer un rapport de
force qui impose au gouvernement de la gauche plurielle, à la droite
et aux forces religieuses le libre choix des femmes.
Nous voulons la dépénalisation
de l’avortement par l’abrogation de la loi de 1920 ; une information permanente
sur la sexualité, la contraception et l’avortement ; le retrait
de toutes les conditions restrictives d’accès à l’IVG, d’âge,
de nationalité et de délais ; des fonds suffisants pour les
hôpitaux publics et du personnel médical ; un statut pour
les CIVG. En quelques mots, l’avortement et la contraception libres et
gratuits, qui sont essentiels à notre liberté.
Certes, que pour les générations
nées après 1975, l’IVG soit acquise se comprend, d’où
de grandes déconvenues lors de la découverte des conditions
drastiques de son application. Mais que la gauche plurielle, l’extrême-gauche
et certaines féministes considèrent que l’essentiel est acquis,
c’est nier la réalité sociale. L’essentiel est acquis pour
celles et ceux qui acceptent l’ordre capitaliste et patriarcal, la sélection
par le fric et le genre !
L’avortement et la contraception libres et
gratuits ne sont pas des mots d’ordre génériques qui font
« radical ». Il s’agit d’affirmer que les femmes doivent disposer
de leur propre corps, elles n’ont pas besoin d’être encadrées,
elles sont des individues à part entière, responsables et
capables de choisir en conséquence ce qui est le mieux pour elles.
Considérer que l’essentiel est acquis et que ce qui reste à
conquérir est secondaire c’est faire de l’égalité
économique et sociale des femmes un objectif secondaire.
Anne et Danielle. — groupe Lucia Saornil (Vileurbanne)