Redéploiement du colonialisme français
en Afrique
L’exemple de la Côte-d’Ivoire
La Côte d’Ivoire, gérée
par le PDCI-RDA, la branche locale du Rassemblement démocratique
africain, puis PDCI (Parti démocratique de Côte-d’Ivoire),
représentait un exemple de régime gaulliste avec économie
et presse au service du pouvoir. Un idéal des années cinquante
qui ne résiste pas au choc de la « démocratisation
» africaine et s’enfonce toujours plus dans le népotisme et
la corruption. Ces dernières battaient chaque année des records
alors que le taux de croissance se tassait et que la paupérisation
se répandait. Ce qui fut le modèle économique de la
voie africaine (lire française) de développement était
en train de plonger dans le marasme. Le gâteau devenait trop petit
à partager et les maîtres trop gourmands. La remise au pas
du pays ne se ferait pas avec des dirigeants qui déformaient de
plus en plus les apparences démocratiques, cela devenait trop criant.
Ils préféraient et le président Bédié
le souhaite encore assumer une guerre civile qui devenait inévitable
que lâcher leurs prébendes. La communauté internationale,
comme la France, ne peut intervenir ouvertement mais ne peut non plus envisager
cette issue.
Il devient évident que personne
ne bougera le doigt pour sauver un pouvoir légal déconsidéré.
Seule l’Organisation de l’unité africaine, club de propriétaires
d’États, condamne ce qui est une nouvelle remise en cause du (de
son) droit de libre gouvernement, son leitmotiv avec l’intangibilité
des frontières. Il est à parier que l’évolution de
la situation - consensus des politiques ivoiriens pour se redistribuer
les cartes sous contrôle supranational - soulage tout le monde. Il
suffit de voir l’attitude de la Communauté économique des
États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a refusé de choisir
entre les délégations ivoiriennes ennemies donc, ce qui en
langage diplomatique revient à ne plus reconnaît plus l’ancien
régime. Pourtant qu’y fait encore l’armée post-coloniale
?
Seule une partie de la population pouvait
encore croire à sa défense par l’armée française.
Les cadres du régime, y compris ceux partis dans l’opposition, savaient
que la présence militaire française n’était pas altruiste.
Outre qu’elle a permis le développement économique et démographique
de l’immigration française, sur parfois plusieurs générations,
qu’elle accueillait parfois les jeunes expatriés pour leur service
national et leur évitait la rentrée en métropole,
la présence d’un bataillon français, formé de professionnels,
est d’abord là pour protéger le régime en place, c’est-à-dire
le président.
Un tournant de la politique africaine
de la France
Les temps changent, le néocolonialisme
n’est plus ce qu’il était et même son ministère - celui
de la coopération - est en voie de suppression depuis Juppé.
Les régimes changent aussi, l’arrogance du régime renversé
devenait gênante. La guerre civile pointait dans un pays où
les particularismes locaux étaient vivaces et les antagonismes aussi.
Un « nettoyage ethnique » a eut lieu récemment, dans
le sud-ouest, contre des immigrés « burkinabé »
et risquait de s’étendre entre populations étrangères
ou ivoiriennes déplacées pour le développement agricole
et populations propriétaires du sol. Le coup d’État est finalement
un vrai soulagement pour Jospin et même à terme pour Chirac.
Il offre un sursis à la décomposition politique et sociale
de la Côte-d’Ivoire dont la classe politique saura bénéficier
au mieux. Il est aussi un tournant de la politique africaine de la France.
Les interventions françaises passées
défense d’États africains corrompus ne sont plus
envisageables comme telles ; la tutelle paternaliste n’a plus cour à
l’heure de la mondialisation. En effet, le partage de l’Afrique n’est plus
admis par les instances internationales (F.M.I., Banque mondiale, Union
européenne…) ni bien sûr par les États-Unis qui veulent
le champ libre pour leurs entreprises en toute « saine » concurrence.
Elf, Total et quelques autres seront les dernières à intervenir
dans la politique locale ; mais, comme toutes les multinationales, elles
représenteront de moins en moins les États, ou choisiront
elles-mêmes les États chargés de les soutenir. Il semble
difficile, dans ce contexte de croire en la pérennité de
la présence militaire française.
Seule Djibouti, au débouché
des routes du pétrole, représente un intérêt
stratégique pour l’Occident. Les autres implantations (Sénégal,
Gabon, Tchad, RCI ou Centrafrique déjà quittée) ne
peuvent même pas être intégrées dans les stratégies
actuelles de l’OTAN. La France se résoudra un jour le plus
diplomatiquement par rapport aux États liés à ces
accords militaires à faire l’économie humaine et financière
de cette présence pour faire place à une Force d’interposition
ouest-africaine renouvelée et élargie. Une police africaine
par les africains, sous tutelle occidentale, qui tienne compte des leçons
de l’intervention de l’ECOMOG en Sierra Leone et au Liberia. Le nouvel
ordre mondial progresse ; qui a dit que le colonialisme était une
scorie du passé ?
Claude. — groupe Métropole lilloise