Vannes : 5 000 manifestants contre Total


Le 25 décembre, les premières nappes de mazout touchaient les côtes du Finistère et du Morbihan. Un petit nombre de militants habitués à se côtoyer dans le soutien aux sans-papiers ou encore dans le Réseau « Sortir du nucléaire » se mobilisait et provoquait une réunion publique.

Depuis le Collectif « Marée noire » n’a fait que grossir, réunissant le ban et l’arrière-ban du milieu associatif, politique, syndical et défenseurs de l’environnement. Une catastrophe d’une telle ampleur ne peut être que fédératrice. Il est difficile de nier que, même si la participation des partis politiques à ce collectif donne un arrière-goût amer d’opportunisme, l’énormité du désastre secoue tous les habitants du littoral, même les politicards. Tous les participants reconnaissent que c’est le système même qui produit ce genre de drame : la course au profit entraînant la diminution forcenée des coûts dont celui des transports. Il n’empêche, la présence du PS dans la manif est pour nous d’une insupportable hypocrisie, celle des Verts nous faisant plutôt ricaner. La pétition qui circule est le résultat de ce consensus ramolli, puisqu’elle ne dénonce pas clairement le rôle de l’Etat dans la mise en place de réglementations complaisantes. L’État est et reste toujours le principal soutien des compagnies pétrolières et des entreprises. Il ne faut pas oublier que l’État (géré par le PS) est actionnaire de Total.
 

Vannes, son centre médiéval, ses manifestants penauds, ses flics patelins

Dès 14 heures les manifestants se sont rassemblés en ordre dispersé, chacun restant collé à son organisation. Les anars avaient consciencieusement collé et tagué la veille sur le parcours. C’était le plus sympa qu’on ait pu voir pendant la promenade. Les militants de l’Union régionale de la F.A. étaient là, un peu perdus au milieu des quelque 5000 manifestants, eux-mêmes moyennement revendicatifs.
Flics vaguement approbateurs, manifestants empreints de leurs tristesses… bref, l’heure était plutôt à l’amertume. La délégation s’étant rendu à la préfecture a dû se contenter de l’oreille polie du directeur de cabinet et bien sûr aucune garantie sur quelque dédommagement que ce soit Fallait-il s’attendre à autre chose ? L’image d’un compagnon sur une colonne de la grille de la préfecture, brandissant le drapeau noir, a, l’espace d’un instant, donné du souffle au spectacle. Pas de quoi pavoiser pourtant, la récolte n’est pas à la hauteur du désastre écologique.
 

Plus jamais ça, mais comment ?

Si tout le monde s’accorde assez facilement pour mettre Total en demeure de payer la note, encore faut-il savoir comment. L’hypocrisie de Total s’engageant à verser 50 millions pour réhabiliter le littoral pourrait faire rire si on ne savait par ailleurs que cela ne représente que 2 journées de bénéfice du groupe pétrolier, comme d’ailleurs le financement misérable d’une fondation (10 millions par an sur 5 ans). C’est pour cette raison qu’il nous semble important de boycotter Total. La perte des moindres francs de chiffre d’affaires étant probablement la seule arme individuelle qui puisse faire flipper des entreprises dont le seul but est d’accumuler l’argent. S’il est facile d’interpeller des parlementaires fussent-ils européens, il est par contre complètement utopique de s’imaginer que ce genre de supplique puisse aboutir. Le Parlement européen, asservi à la loi du lobbying, a d’autant moins les moyens d’agir qu’il n’a pas de compte à rendre. Il est évident pour nous libertaires, que seule l’action directe est susceptible de faire avancer les choses. Elle a aussi le mérite de faire prendre conscience aux gens qu’ils peuvent avoir un poids sur le cours des choses.

À Vannes, on a pourtant assez peu senti les prémices de cette prise de conscience, comme il y a peu à Seattle contre l’OMC. Le peuple pourrait-il avoir un jour la peau du capitalisme ? À Vannes, ce n’est pas vraiment gagné.

Bruno. — groupe René Lochu