15 janvier 2000, une manifestation nationale

Avortement, contraception libres et gratuits


L’an 2000 débute par une manifestation, « Les Femmes prennent la Bastille », à l’image de l’année 1999 qui s’est achevée par une série de manifestations, expressions du mouvement social et citoyen. Ces manifestations à répétition, qui se sont égrenées tout au long du dernier trimestre, ont été encadrées par la gauche plurielle. Un premier rendez-vous a été donné le 16 octobre, suivi d’un autre le 11 décembre ; initialement seul à y appeler, le PCF a très vite été rejoint par les composantes de la gauche plurielle institutionnelles, puis des autres : LCR, LO… syndicats et associations. Ces manifestations « pour l’emploi » sont restées des soutiens plus ou moins critiques au gouvernement. En effet, les uns nous exhortaient à soutenir le gouvernement dans ses lois (35 heures, etc.), les autres à exiger de vraies lois en la matière, une vraie politique de gauche. Ceux qui sont au gouvernement tentent ainsi de faire oublier à bon compte leur responsabilité ; quant aux autres qui se cantonnent à quémander un arbitrage de l’État, ils occultent le fait que celui-ci est au service de la logique capitaliste. Ils cherchent à canaliser, par ce biais, des luttes et une volonté d’en découdre avec le libéralisme. D’ailleurs, ils ont été les premiers surpris par la mobilisation anti-OMC à Seattle contestant le capitalisme et les États qui l’organisent à l’échelle mondiale.
 

Une occasion manquée… non un acte manqué !

La manifestation du 15 janvier ne déroge pas à cette logique. Á l’origine, il s’agissait de défendre le droit à l’interruption volontaire de grossesse à l’occasion des 25 ans de la loi Veil, de faire pression sur le gouvernement afin qu’il s’engage sur le rapport Nisand (5 000 femmes contraintes à avorter à l’étranger parce que hors délais). Cette manifestation a pris un tout autre tour. En effet, plus les organisations impliquées se faisaient nombreuses plus les objectifs devenaient consensuels. Cinq thèmes ont été dégagés, chers à la gauche plurielle : liberté, autonomie, dignité, égalité, solidarité. Nous découvrons ainsi que l’égalité passe par une loi sur la parité politique, à croire qu’une politique capitaliste menée par des députées et des ministres femmes est différente de celle menée par leurs collègues masculins ! La plus grande surprise vient du thème Liberté, centré sur l’IVG et la contraception : l’abrogation de la loi de 1920 qui criminalise l’avortement n’est même pas retenue !

Cette manifestation, donnée aujourd’hui comme un premier temps de la marche mondiale des femmes, est une récupération des revendications et des luttes des femmes. Une excellente occasion pour la gauche plurielle de rappeler à l’opinion publique qu’elle se soucie beaucoup du sort des femmes, alors qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’une intégration toujours plus poussée des femmes, au même titre que les lesbiennes et les gays avec le PACS. En effet, la gauche plurielle aux commandes étatiques et notamment sa principale composante, le PS, modernise les structures sociales (famille, école, parité…) afin de satisfaire les aspirations de son électorat, en particulier les classes moyennes.  Il n’est pas question, pour elle, de remettre en cause l’ordre établi, le capitalisme et le patriarcat qui expliquent l’oppression spécifique que subissent les femmes.
 

Quelle lutte mener ?

Pourtant le 15 janvier 2000 aurait pu être une belle occasion. La loi Veil a été arrachée par un mouvement social dont les femmes furent le moteur. Cette loi est plus qu’insuffisante de, même que l’accès à la contraception. Suite aux publications des rapports Nisand (un état des lieux de la loi Veil) et Uzan (sur les grossesses précoces) et au lancement de la campagne gouvernementale sur la contraception la situation est favorable pour mener une lutte sur ce terrain. Il est nécessaire de créer un vrai rapport de force afin d’imposer au gouvernement, à la droite et aux intégristes religieux une information permanente sur la sexualité, la contraception et l’avortement, l’abrogation de la loi 1920, le retrait des conditions d’âge, de nationalité, de délais, etc. qui restreignent l’accès à l’IVG. Il faut que toute femme trouve une solution lui permettant de satisfaire ses choix de vie. Ce combat pour l’autonomie des femmes se double d’une lutte anticapitaliste : gratuité des contraceptifs, moyens pour les hôpitaux publics et personnel médical en fonction des besoins des femmes et de la population et non de la rentabilité.


Ce 15 janvier aurait pu être le moment d’une mobilisation forte pour avancer sur ces revendications. Dans ce pays, toutes les femmes n’ont pas la libre disposition de leur corps et leurs situations économiques et sociales restent un déterminant majeur. Cependant, cette mobilisation est à portée de mains ; dans nombre de villes, des collectifs unitaires restent présents sur le terrain de l’avortement et de la contraception, conscients que l’essentiel n’est pas acquis. Pour nous, ces luttes au quotidien sont essentielles, elles participent à l’édification du mouvement social qui veut un autre présent.

Anne et Danielle groupe Lucia Saornil (Villeurbanne)