Le jour où la merde vaudra quelque
chose,
les pauvres naîtront sans cul
A l’heure où quelques dizaines
de milliers de pauvres gens en sont encore à être privés
d’électricité, où des dizaines de milliers de braves
gens ahanent comme des phoques à ramasser les immondices pétrolières
d’un quarteron de capitalistes criminels et où des centaines de
milliers de gens ordinaires pleurent toutes les larmes de leurs corps devant
le désastre d’une vie de travail réduite à néant,
une bande de pithécanthropes encravatés de morgue s’affaire
autour des calculettes.

Des millions d’arbres à terre qu’il
va falloir débiter, gérer, vendre ; des millions d’antennes
de télé qu’il va falloir remplacer ; des centaines de milliers
de baraques qu’il va falloir retaper ; des je ne sais pas combien de digues,
de serres, de remises, de plages, de granges, de stations balnéaires,
de poteaux, de pylônes, de cheminées, de stèles, de
clochers, de fils, de bagnoles, de bateaux, de filets, de poissons, de
panneaux publicitaires, de moules, d’huîtres, de fleurs, de tuiles,
de grains de sable… qu’il va falloir construire, reconstruire, aménager,
réparer, changer, refaire, arranger, restaurer, produire, vendre…
mais c’est bien sûr !
Des milliards, des dizaines, des centaines
de milliards à la clef ? Un point, un point et demi, deux points
de croissance du PIB en plus ? Du travail, bien évidemment pour
réaliser tout cela et, donc du chômage en moins (c’est bon
pour les élections ça, coco).
Des sous, du profit, un gigantesque profit,
surtout !
Et peu importe que Total ne prenne que deux
heures de colles et cent lignes de charité pour avoir assassiné
la mer et égorgé mytiliculteurs, ostréiculteurs et
pêcheurs au seul motif de gagner trois sous en faisant transporter
son pétrole par des rafiots sous pavillons de complaisance skippés
par de pauvres bougres d’hindous payés avec un lance pierre ; que
les tempêtes résultent de modifications climatiques consécutives
à un massacre de l’environnement naturel résultant d’une
pollution générée par un appétit de profits
mettant en péril, à force d’exploitations éhontées
et à courte vue, les conditions même de la vie ; que des enfoirés
continuent à dégazer au large because les amendes sont toujours
moins chères que le coût d’un nettoyage des cuves dans un
port ; que l’enterrement des lignes d’électricité et de téléphones
ne soit toujours pas à l’ordre du jour de l’évidence pour
cause de gagner deux picaillons ; que les sociétés d’assurances
remboursent d’autant plus rubis sur l’ongle que l’État, et donc
le contribuable, et donc nous, paiera ; et que de nouvelles marées
noires, de nouvelles tempêtes, de nouvelles arnaques… refleurissent
sur le fumier d’un capitalisme qui continuera de chier la misère,
la destruction de l’environnement et l’absurde d’un suicide social et écologique
!
C’en est à pleurer !
Le capitalisme, et c’est sa force, fera toujours
du fric sur tout et surtout sur l’adhésion du plus grand nombre
à ses valeurs. Il nous fait nous entre-tuer pour le plus grand profit
des marchands de canons en nous faisant l’aumône de la fabrication
des obus que nous nous mettons respectivement sur la gueule. Il surfe sur
les marées noires qu’il provoque en nous faisant l’aumône
de leur gestion (bénévole) via des médocs (les produits
antipollutions) qu’il nous fait fabriquer et qu’il nous vend. Il assassine
les conditions de la vie en nous embauchant (pour pas cher) dans l’immense
usine des conditions de la mort. Il produit et nous fait produire de la
merde et réussit à nous la vendre.
Sans doute est-il possible de produire
moins de merde et d’en produire de la plus aseptisée ?
C’est ce que les petits bourgeois socialistes,
communistes (staliniens et assimilés), Verts et chrétiens-sociaux
de droite et de gauche tentent de nous faire croire en nous offrant pour
toute perspective la gestion caritative de l’ingérable. Peut-être
parce que c’est possible, parce que ça serait plus simple et parce
qu’on n’a plus le choix, on voudra bien me pardonner, cependant, de rêver
(et de me battre pour) à un monde sans merde, sans producteur de
merde et sans consommateur de merde. Travailler pourquoi ? Fabriquer quoi
? Bouffer quoi ? Survivre pour quoi et comment ? Je te laisse réfléchir
là-dessus.
Jean-Marc Raynaud