Politique de l’immigration en Belgique
Régulariser pour mieux expulser
En été 1998, circula
une pétition demandant la libération d’une détenue
du centre fermé du « 127 bis ». Cette jeune femme de
20 ans avait fuit le Nigeria, puis le Togo, où elle était
encore poursuivie par la famille de l’époux promis, 65 ans et déjà
trigame. Elle était arrêtée dès son arrivée
en Belgique, le 25 mars, et déboutée de sa demande d’asile
car le patriarcat n’est pas une oppression et le sexisme n’est pas une
persécution. Son combat (et celui des soutiens) empêchera
son expulsion (ainsi un pilote refusera son embarquement) et créera
même une mutinerie et une évasion collective. Et puis, la
nouvelle tombe le 22 septembre 1998, Semira Adamu est morte lors de la
sixième tentative d’expulsion, étouffée par des gendarmes,
dont un récidiviste du tabassage d’expulsé. Là, même
en France, les médias se réveillèrent. La France et
la Belgique se rappelaient « leurs problèmes » avec
leurs immigrés « clandestins ».
Le contrôle social : une question de
dosage
Aujourd’hui, la Belgique revient brièvement
dans l’actualité française. Le gouvernement contrôle
ses frontières contre l’étranger, même (un peu) contre
la France ! Que se passe-t-il ? 15 000, c’est l’objectif officiel et annuel
des expulsions souhaitées. Le scénario est classique : un
organisme administratif « neutre » mais sous influence, des
centres de rétention, une force de l’ordre, un service privatisé
de transport. Ici, l’Office des étrangers, six « centres fermés
» (avec, parfois, double rangée de barbelés, chemin
de ronde, cachots d’isolement pour 24 heures, renouvelables, possibilité
d’entraves et camisole…), la gendarmerie (dont on garantit ne pas laisser
l’entier monopole de l’aéroport à ses éléments
d’extrême-droite !), la Sabena.
La France n’est donc pas une exception… culturelle.
C’est l’impasse, depuis juillet, le parti écolo est au pouvoir et
la base râle contre les expulsions, notamment une rafle de tsiganes
en octobre. Les employeurs ont besoin de main-d’œuvre docile. L’Église
s’interroge… Bref, le contrôle social demande un réajustement,
la loi de 1980 (voir une certaine ordonnance de 1945) sur l’« accès
au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement
des étrangers » doit être modifiée une nouvelle
fois (la douzième ?).
Répression et régularisation
font bon ménage
Après quelques tribulations, le parlement
tranche le 22 décembre. Depuis le 10 janvier et pour trois semaines,
les clandestins capables de ne pas porter atteinte à l’ordre public
ou à la dignité de l’État et présents sur le
territoire depuis 4 à 5 ans, pour les déboutés, ou
5 à 6 ans, pour les sans-papiers, peuvent régulariser leur
situation. 20 000 à 25 000 personnes sur 75 000, selon les estimations.
Le Soir du lundi 10 prévient, rassuré, qu’il s’agit d’une
« monnaie d’échange [pour] une politique d’expulsion plus
musclée ».
Certains soutiens des sans-papiers déconseillent
d’ailleurs aux « illégaux » ne respectant pas les critères
de remplir un questionnaire qui faciliterait leur fichage et leur expulsion.
Évidemment, des fonctionnaires communaux font du zèle, se
créent leur propre liste de critères pour fournir le formulaire
qu’ils sont simplement chargés de distribuer et seraient dignes
de postuler dans les préfectures de Chevènement.
L’instruction du dossier Semira Adamu
vient de se terminer, début 2000. Mais, comme déjà
la régularisation partielle en cours, elle repasse au second plan
de l’actualité. Le spectacle continue.
Claude Delattre