15 janvier 2000

Une parade pour les unes, une manif pour les autres


Un samedi ensoleillé sur Paris, un bel après-midi pour une manifestation différente, festive… Les femmes font de la politique autrement. En effet, le Collectif national des droits des femmes a appelé à une manifestation « Les femmes prennent la Bastille » autour de cinq thèmes principaux : Liberté, Autonomie, Dignité, Égalité et Solidarité. Pour les organisations qui ont impulsé cette initiative, la gauche plurielle dans son ensemble, les syndicats, l'extrême gauche, le mouvement associatif et les féministes, il s’agissait avant tout d’en faire la première étape de la Marche mondiale des femmes en France.
 

Une parade

Cette manifestation nouvelle, plus conviviale que les défilés habituels, s’articule en cinq cortèges successifs, chacun ouvert par un camion-plateau chargé de l’animation, slogans, chants et musique. Le premier « Liberté » contre les entraves au droit des femmes à disposer de leur corps est encadré par la CADAC, le MFPF et Ras l’Front. C’est dans celui-ci que se retrouve le plus grand nombre de collectifs, d’individu-e-s ou d’organisations venus de province, avec parfois des slogans plus larges que l’appel national, notamment l’abrogation de la loi 1920 qui criminalise l’avortement. Le second « Autonomie » contre le chômage et la précarité est composé essentiellement des organisations syndicales qui n’est pas animé d’un grand entrain.

Dans le troisième « Dignité » contre toutes les formes de violence, nous remarquons les associations lesbiennes qui montrent les limites du PACS en mettant en exergue le droit à la parentalité lesbienne (adoption, insémination, coparentalité). Le quatrième « Égalité » dans la place prise par les femmes dans la vie publique est pris d’assaut par les organisations paritaristes, et surtout, les partis de la gauche plurielle, les Verts, le PS, le PCF (qui en est le responsable). Les chants et les slogans vantant les mérites de la parité sont ici le leitmotiv. Le dernier « Solidarité » contre la mondialisation et l’ultra-libéralisme est le plus militant en raison de la présence des collectifs des sans-papiers, des associations de solidarité avec les Algériennes, les Kurdes… Ce défilé ressemble à un immense fourre-tout de 12 000 personnes qui tient davantage de la parade que de la manifestation.
 

Une seule solution, la parité !

Cette manifestation n’a ni la force numérique ni la teneur revendicative de celle du 25 novembre 1995 (40 000 personnes) qui certes se tenait dans une période particulière, la multiplication des commandos anti-IVG. Elle résultait donc d’une vraie mobilisation, d’une lutte pour défendre nos droits. Aujourd’hui, dans ce fourre-tout ambulant où tout était dit, mais beaucoup était dilué, un mot d’ordre surgissait comme l’avancée sociale majeure qu’il fallait défendre, la parité politique. Mais nombre de collectifs militants sur le terrain ont refusé ce mot d’ordre. Il n’est que l’aspiration des militantes de la gauche plurielle qui cherchent à partager le pouvoir avec les hommes de leurs partis sans remettre en cause l’ordre patriarcal et capitaliste qui maintient les femmes dans des situations de précarité économique et sociale. De nombreux collectifs, notamment de province, se situent sur le terrain de l’avortement et de la contraception, car la situation est loin d’être réglée. Quelle femme dispose sans problème de 6 000 à 10 000 F pour avorter à l’étranger ? Maintenant, il s’agit de nous retrouver dans les luttes au quotidien contre le patriarcat et le capitalisme dans nos villes et dans nos régions et à l’occasion de la Marche mondiale des femmes.

Danielle. — groupe Lucia Saornil (Villeurbanne)