éditorial
« C’est un tueur, un ogre, un carnassier
doté d’un instinct de chasseur », d’ailleurs « Crocodile
Claude » est son surnom. Qui est-ce ? Sûrement encore un de
ces « sauvageons » qui sème la terreur dans son établissement
scolaire ? Point du tout. Il s’agit d’un patron, Claude Bébéar,
adulé parce qu’il a réussit à bâtir un empire,
Axa, premier assureur mondial, sur le dos des employés. Lorsque
Allègre parle de « plaie de notre société »,
cela ne concerne pas le capitalisme mais la violence scolaire bien entendu.
La stratégie des puissants, appuyée par bon nombre de chercheurs
en sciences sociales, consiste à occulter la responsabilité
du système économique dans la prolifération des violences
qui rythment la vie des écoles. D’où la présentation,
jeudi 27 janvier, par le gouvernement d’un énième plan anti-violence
censé enrayer les agressions, vols, rackets et autres « incivilités
» commises par les adolescents comme si le chômage, la précarité
et la misère que nous imposent la racaille de patrons et gouvernants
n’y étaient pour rien.
Pour la gauche qui a perdu ses complexes
en matière sécuritaire, pas un acte de violence ou d’incivilité
ne doit rester impuni. Ainsi, le dernier conseil de sécurité
intérieure encourage les procureurs à incarcérer les
mineurs de moins de 16 ans. Mais là où le matraquage idéologique
nous somme de voir des incivilités, nous apercevons en réalité
l’indocilité d’une jeunesse sans travail, sans qualification et
sans avenir. À défaut de pouvoir changer la société,
il ne reste plus qu’à la détruire et l’école fait
partie de ces institutions qui représentent l’ordre et qui est la
première à les rejeter en leur inculquant de plus en plus
tôt leur inutilité sociale. Quand il n’y a plus rien à
perdre ou à attendre, la violence ne peut que se retourner contre
la société toute entière.
Personne ne doute que la rage des nouvelles
générations s’amplifiera. L’État le sait. D’année
en année, il accumule les dispositifs de pacification sociale destinés
à accueillir les flots grandissants de population que les patrons
jettent à la rue. Il peut compter sur des syndicats obéissants
comme le SNES-FSU, principal syndicat des enseignants du second degré,
qui considère que les mesures du plan de lutte contre la violence
« ne peuvent se concevoir sans être accompagnées d’une
meilleure prise en charge, notamment par la politique de la ville »
de ces populations. Lorsque les syndicats en viennent à réclamer
un renforcement du contrôle social des quartiers, ceux-ci ne devront
pas s’étonner, qu’un jour ou l’autre, les jeunes sous prolos s’en
prennent à eux.