Quand on avait vingt ans, il y en a
de ça vingt-cinq, qu’on aimait le ciné pas trop cucul la
praline et qu’on découvrait les idées libertaires, on allait
voir les films d’Alain Tanner. Forcé. Obligé. Godard s’était
bien mais ça faisait dormir et puis va emmener ta dernière
copine voir les Charlots font l’Espagne ou la Grande Vadrouille. C’est
le râteau garanti. On n’est pas forcément sérieux quand
on a dix-sept ans, et quand on en a vingt, il y a que les boutons qui désertent.
Et encore… Donc j’avais aimé La Salamandre et Jonas qui aura Vingt-Cinq
en l’an 2000, No Man’s Land, Messidor nous avait saisi pendant les années
de plomb. Et pis voilà, Jonas a eu vingt-cinq ans. La semaine dernière.
En douce. Sans trop prévenir. Par la grâce d’un film fort
et puissant : Jonas et Lila.
Tanner revisite les utopies en douce,
il a quelques rides mais nous fait malicieusement une leçon de morale
libertaire à en écraser notre chique. Oui la jeunesse a un
grand avenir, mais qu’elle se démerde avec l’histoire, oui le cinéma
a une fonction sociale, oui les histoires de cul même entre libertaires,
ne sont pas tout a fait réglées, oui on peut bouffer des
nouilles dans un squat en chantant très faux le Temps des Cerises.
On pouvait craindre un film militant, Tanner
nous livre un film pédagogique, antiraciste, tolérant (ah
ce flambeur au PMU !), toujours aussi moderne. À travers une Suisse
aussi ennuyeuse et aussi propre qu’en 1979, ce bougre va finir par montrer
à Jonas le chemin de la vie. Il passe par l’insolence, la dérision,
le partage et la fraternité.
Bon anniversaire Jonas.