Georges et Louise
Michel Ragon
On est toujours surpris dans les milieux libertaires
quand une mairie communiste décide de baptiser une rue ou une place
de celui de Louise Michel. Mais bon, le vol et la récupération
faisant depuis longtemps partie du dogme et de la culture marxistes, on
peut raisonnablement s’en sortir en haussant les épaules en attendant
des jours meilleurs. Par contre on est jamais étonnés quand
les culottes de peaux ou les vieux grabataires militaristes viennent rendre
hommage à ce vieux sagouin de Clemenceau, une fois par an le 11
novembre ça suffira merci, celui-là même dont le seul
programme s’était résumé en quatre mots : «
Je fais la guerre ! ».
Là où ça se complique
un petit peu c’est quand Michel Ragon s’en mêle. Etonnante érudition
que celle de cet homme là qui nous avait fait le plaisir, entre
autres, de « La Mémoire des Vaincus » puis d’«
Un si Bel Espoir » ; deux romans historiques qui embrassaient respectivement
la période 1914 à nos jours et celle de 1848 à la
Commune. Il ne restait plus qu’à faire le joint : de La Commune
à 1914. C’est fait et ça tourne un peu la tête.
S’étant rendu compte, lors de ses
recherches pour l’écriture d’« Un si bel espoir », que
Louise Michel et Georges Clemenceau alors maire de Montmartre, avaient
eu des contacts répétés Louise était
à cette époque institutrice, Clemenceau l’avait aidée
recevoir du charbon et des denrées diverses pour les enfants de
l’école il essaya de savoir si ces relations s’étaient
poursuivies par la suite. Et effectivement, toute leur vie durant, Louise
Michel et Georges Clemenceau se sont rencontrés, respectés
et, situation sociale aidant, Clemenceau a poursuivi cette amitié
fidèle de toutes les manières possibles avec cette Pétroleuse,
cette Vierge Rouge, cette virago, cette Passionaria, que sais-je.

C’est cette véritable amitié
entre une anarchiste et un renard politique d’extrême gauche, qui
n’avait vraiment rien de libertaire, qui cette fois-ci sert de fil rouge
à l’écriture de ce nouveau livre, qui, n’est pas un roman
: histoire de notre mouvement libertaire émergent après la
terrible répression de la Commune, des tergiversations lors de l’affaire
Dreyfus, des attentats anarchistes. Et bien oui les militants anarchistes
de la seconde moitié du XIXe siècle n’ont toujours eu les
couches bien nettes. Mais il en va ainsi de notre histoire…
Etonnant parcours qui croisent aussi bien
celui de Victor Hugo (dépeint comme un cavaleur impénitent,
on est loin du vieux grand-père à la barbe blanche), de Rochefort
le bailleur de fonds, de Blanqui, de Vallès ou de Zéphyrin
Camélinat, et qui révèlent quelques pans de l’histoire
de notre mouvement pas toujours très clairs.
Nous avons eu le grand plaisir de rencontrer,
le samedi 22 janvier, Michel Ragon sur Radio libertaire, (sachons rester
parisiens), pour nous parler de son dernier livre et de la littérature
prolétarienne et nous en promettre de bien belles pour le printemps
à venir (1).
Jean-Pierre. — groupe Poulaille
(1) Michel Ragon nous a convié
à d’autres promenades autour de la littérature prolétarienne,
avec lecture de textes et découverte pour les plus jeunes auditeurs
de cette forme d’expression éminemment révolutionnaire. Car
ce sera sur Radio libertaire.
Georges et Louise. éditions
Albin-Michel. 230 p. 98 F, en vente à la librairie du Monde libertaire
(+ 10 % pour le port).