Affirmation démentie par la sortie
d’un film a silhouettes, réalisé par Michel Ocelot. Grâce
au succès de Kirikou et la sorcière, film antiraciste, anti-superstition,
anti-soumission, film antidote à la peur et la tradition rétrograde,
Michel Ocelot a enfin pu mener a bien un film à silhouettes, constitué
de six contes, concrétisant ainsi un projet vieux de dix ans. Par
sa technique (les silhouettes découpées font qu’on ne les
voit que de profil), Princes et Princesses établit un lien
avec Lotte Reiniger, créatrice des films a silhouettes, appelée
« la reine des ciseaux » ou « la maitresse des ombres
», selon Renoir. Les Aventures du Prince Ahmed, son chef-d’œuvre,
anime des milliers de silhouettes et déploie des splendeurs orientales.
(Ses films musicaux étaient d’ailleurs programmés dans le
cadre de la manifestation « Ciné-Junior » qui se déroulait
dans le Val-de-Marne jusqu’au 2 février). Princes et Princesses
de Michel Ocelot est un projet antérieur à Kirikou.
Mais ce que le film conte relève de la même veine mi-magique,
mi-critique sociale. Alors que le petit et vaillant Kirikou brisait la
malédiction qui pesait sur son village en Afrique, Princes et
Princesses nous plonge dans l’imaginaire de plusieurs pays, voyage
dans le temps et dans les époques. Des civilisations anciennes sont
visitées.
On rit souvent, car les six contes sont plein
d’esprit, de drôleries et de surprises. Un travail d’orfèvre.
Car, dans un film à silhouettes animées, chaque image correspond
a une prise (de vue) et à un mouvement… c’est un enchantement.
Princesse Mononoké de Hayao
Miyazaki est un dessin animé d’aujourd’hui. Le cadre choisi : le
Japon rural du XIIIe siècle. Création intemporelle, proche
du grand drame historique chère a Kurosawa, Miyazaki atteint l’épopée.
Un monstre terrifiant déboule en direction
d’un village et de ses habitants. Le vaillant Ashitaka le vaincra, mais
sera marqué dans sa chair et mourra, à moins que… le film
conte ses aventures, ses rencontres pour arriver à lever la malédiction.
Un souffle épique traverse les paysages, la forêt enchantée
et ses créatures à la fois très réelles (des
animaux), imaginaires et malicieuses. Princesse Mononoké est un
film ou chaque gouache est encore coloriée à la main.
Travail de titan, peinture d’un raffinement
extrême. (Comme au début du cinématographe, dans les
ateliers de Méliès ou de Alice Guy, qui raconte que ses ouvrières
y perdaient la vue.) Ses aquarelles raffinées créent des
paysages d’une splendeur rarement entrevue au cinéma. Princesse
Mononoké est aussi un film ou les costumes ou le clan des forgerons
montagnards ne sont pas des inventions de scénariste.
Ces points d’ancrage dans l’histoire du Japon
rendent le film, dessiné et peint par un enfant de la guerre et
de la bombe de Hiroshima, encore plus precieux car à partir de trois
fortes personnalités, le téméraire Ashitaka, Dame
Eboshi, dominant le clan des Tatara et la Princesse Mononoké, Hayao
Miyazaki construit son épopée intemporelle. Mononoké
(qui veut dire démon) chevauche des loups, mais elle a figure humaine.
L’apothéose, le moment culminant
du film est une sorte d’explosion du monde minéral et végétal,
causée par des humains cupides qui ont violé les lieux.
Entraver la métamorphose cyclique de la nature a des conséquences
désastreuses. Ce n’est plus une leçon, c’est une évidence.