Rennes : le chantier du métro en grève

Le chantier du métro VAL connaît sa première grève. Les deux tiers des salariés de la COGIFER, chargée de la pose des voies, ont voté la grève mardi 25 janvier et se battaient toujours samedi. « Quand le Val avance, le social recule » résume le slogan de la CNT, seul syndicat engagé sur le terrain ; quand la lutte avance, le patron recule pourraient ajouter les militants libertaires très présents dans ce conflit.

La COGIFER, entreprise multinationale, filiale du groupe De Dietrich, est le sous-traitant chargé des infrastructures du métro dans cet énorme chantier dont le maître-d’œuvre est Matra. Derrière l’abris du sous-sol et de l’indifférence bourgeoise de la mairie socialiste, l’entreprise impose des conditions de travail et de rémunération inacceptables à ses salariés, au mépris de la réglementation du travail et des promesses faites à l’embauche. Depuis des mois, se succèdent accidents du travail et pression constante sur les ouvriers de la part d’une direction qui a parfaitement compris les méthodes du « management » capitaliste. Pour faire bonne mesure, l’encadrement manie les brimades à caractère raciste pour entretenir un climat de soumission. Le ciment, le poste le plus dur, est par exemple presque exclusivement réservé aux Maghrébins.

Plus symbolique, mais bien trouvé pour humilier les travailleurs musulmans, un repas de Noël à base de porc, l’absence du salarié se traduisant par une perte d’une demi-journée de salaire. Dans ce climat, la direction a tout simplement, mais totalement, mésestimé la capacité des travailleurs du val à se battre pour leurs droits. Il est effectivement difficile d’organiser la lutte dans ce type de milieux. Aucun des syndicats traditionnels n’est réellement présent sur le chantier et seule la CNT se bat véritablement au côté des travailleurs. Jeunes, inexpérimentés politiquement, éclatés sur plusieurs sites, ceux-ci sont cependant en train de démontrer qu’une grève habilement et fermement menée doit conduire à faire céder les patrons.
 

Les travailleurs contrôlent leur lutte

Le mouvement a en fait commencé en juillet dernier avec le contact entre un des ouvriers du chantier et le syndicat CNT du bâtiment, le SUB-TP. Suite à son adhésion et à quatre autres qui ont suivi, la section syndicale a fait le bilan de ce qui était inadmissible sur le chantier et qui aujourd’hui constitue la plate-forme des revendication. Pour l’essentiel, il s’agit de faire respecter la loi et les conventions collectives par une entreprise qui s’essuie allègrement les pieds dessus : 35 heures payées 39 (et non 35), élections rapides de délégués du personnel sur le site de Rennes, publicité des analyses antipollution ou encore que figure dans le bulletin de salaire le décompte des heures effectuées dans l’annualisation. Pour le reste, la modestie des revendications contraste avec les difficultés rencontrées pour les faire aboutir : prime d’insalubrité (10 % du taux horaire) et une prime de rendement de 3000 F par trimestre. Les négociations sont en cours depuis le début du mouvement et devaient reprendre lundi avec de bonnes chances d’aboutir sur les points essentiels. Pourtant, jeudi, la direction a tenté de briser la grève en faisant appel à du personnel intérimaire pour remplacer les grévistes, de nouveau au mépris de la loi. La riposte des travailleurs qui ont saisi l’inspection du travail et la solidarité des militants du mouvement des chômeurs et précaires en lutte, venus occuper les agences d’intérim incriminées, ont rapidement fait reculé ces dernières et le patron. On touche ici à un point essentiel qui rend ce mouvement exemplaire : la solidarité des militants CNT et chômeurs a été sans faille jusqu’ici mais ceux-ci ont été aussi très vigilants à ce que seule l’assemblée générale des grévistes prenne les décisions, sans manipulations extérieures (FO, CFDT, Parti des travailleurs, etc.).

Frank Gombaud


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