Offensive étatique et patronale 
contre l’indépendance syndicale

En cette fin de siècle, M. Chirac se déclare favorable à une refondation des procédures organisant les rapports entre les organisations syndicales salariales, patronales et l’État et en tant que président de la république, il n’écarte pas une démarche constitutionnelle en la matière. Le MEDEF sous le prétexte de faciliter la « négociation », n’hésite pas, lui aussi à se plaindre qu’il y a trop d’organisations syndicales et qu’il serait donc rationnel d’en réduire le nombre.

Dans le conflit des banques, les cinq Fédérations syndicales, dans le cadre des négociations pour la nouvelle convention collective, auraient convenu que « tous signent ou personne ne signe ». Pendant les grèves de décembre, se développait, dans le même temps, la pratique de la consultation et du vote de l’ensemble du personnel syndiqué ou non, pour dicter aux syndicats la conduite à tenir, ce qui privilégia l’orientation référendaire et antisyndicale de la loi Aubry.
 

Le syndicat instrument du corporatisme ?

Venant à point nommé, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales dénonçant la gestion d’une caisse de retraite complémentaire, permet aux partisans d’un syndicalisme subsidiaire, de relancer l’offensive sur le financement des organisations syndicales, au moment même où le MEDEF décide de quitter les organismes paritaires au 31 novembre 2000. Réapparaît alors l’idée d’un financement public ou encore d’une « cotisation » prélevée sur les salaires par l’employeur, redistribuée aux syndicats en fonction de leurs influences électorales. La C.G.T. se déclare « disponible pour un large débat public sur les moyens des organisations syndicales, tant salariales que patronales ». Son secrétaire général demande que l’on « permette à tous les salariés d’exprimer une préférence syndicale à période régulière ».

L’ensemble de ces remises en cause est une attaque contre le principe même de l’indépendance syndicale, basé sur l’idée simple que le syndicat est une association volontaire de salariés, que seuls ces associés volontaires sont qualifiés pour définir l’orientation de leurs associations. Que cette orientation et les décisions qui en découlent, une fois définies par les adhérents, les seuls qui en ont la légitimité, soient ensuite proposées à d’autre, est une autre affaire. Mais en aucun cas cela ne peut être le contraire, sous peine de condamner l’organisation syndicale au piège de l’électoralisme permanent. Chaque organisation doit, au contraire, conserver en permanence sa totale liberté d’appréciation, son indépendance de décision en toutes circonstances, à tous moments, y compris dans le cadre d’une unité d’action.
 

Pour un syndicalisme de classe !

À l’opposé de ce syndicalisme, défendu et voulu ainsi par des générations de syndicalismes et militants aussi bien révolutionnaires que réformateurs, on nous propose une forme d’organisation qui se dit syndicale totalement intégrée. Son financement dépendra essentiellement, soit de contributions obligatoires des salariés, soit de subventions des pouvoirs publics ou des deux. Une organisation syndicale qui ne pourrait, à terme être qu’unicitaire, pour mieux encadrer les travailleurs, un syndicat unique, instrument du corporatisme.

Cette offensive de grande envergure ne doit rien au hasard, elle ne se développe pas de façon désordonnée. Commencée depuis longtemps, elle se précise aujourd’hui avec de plus en plus d’intensité, La mondialisation, les contraintes imposées par les sphères politiques, économiques et le carcan budgétaire des institutions européennes, non seulement approuvées mais initiées et voulues par le gouvernement, imposent la disparition des acquis matériels, « quantitatif », obtenus par des décennies d’actions, mais aussi et surtout celles des outils permettant de les conquérir : le syndicalisme et son indépendance, la pratique du contrat collectif, dont le contenu dépend de la seule capacité ouvrière, donc du rapport des forces. C’est cette offensive qu’il nous faut stopper. La grève interprofessionnelle décidée par la C.G.T.-FO pour le ler février 2000, avec comme mot d’ordre « grève contre l’unicité corporatiste » et la journée de déploiement militant préconisée par la C.G.T. sont la première étape pour construire une opposition résolue aux prétentions patronales et à la politique de l’État (gouvernement et président inclus).
 

Sahuc Michel. — groupe La Sociale (Montpellier)