Valse brune en Autriche

L’Union européenne n’a pas pu empêcher la formation, en Autriche, d’un gouvernement de coalition entre la droite conservatrice et le parti d’extrême droite de Jörg Haider. Les mises en garde répétées des responsables européens et leurs menaces d’isoler Vienne au niveau diplomatique, n’ont servi à rien. L’article 7 du traité d’Amsterdam, relevant de « la violation grave et persistante par un État, des principes des Droits de l’homme et des libertés fondamentales » ne peut s’appliquer au parti de Haider, puisque celui-ci s’est imposé par les urnes et en toute légalité. Une fois encore, on peut constater les méfaits du piège électoral et de son soi-disant reflet de la démocratie, lorsqu’il assied et légalise un fasciste au sein d’une instance gouvernementale.

Lors des élections législatives d’octobre dernier, Jörg Haider, le leader du FPÖ (parti nationaliste et xénophobe autrichien) est élu avec 28 % des voix dans les régions de Carinthie et de Salzbourg (lire l’article ML n°1176 du 14 octobre 1999). À l’époque Jörg Haider déclare « qu’il ne briguera pas le poste de chancelier, lors de la formation du nouveau gouvernement en février 2000, mais qu’en échange, il espère obtenir un ministère important, comme les Finances ou les Affaires sociales ».

Fils d’un membre actif du parti nazi autrichien, il se situe dans le sillage de K. Waldheim, président de la République d’Autriche en 1992, qui avec son passé actif dans la Wehrmart (dans les Balkans, lors de la dernière guerre, où il participe à des déportations de juifs) et ses mensonges subséquents, valent à l’Autriche un isolement sévère, sur la scène internationale. Il est par ailleurs nécessaire de rappeler que le procès du « comportement de sympathie des Autrichiens pendant l’annexion nazie » n’a jamais eu lieu. Les Autrichiens ont toujours rejeté un quelconque sentiment de culpabilité par rapport à cette période de l’histoire, qui est devenue pour ceux qui l’ont vécue, un sujet tabou et pour les générations suivantes, une nébuleuse !
 

Un nouveau discours « de bruits et d’odeurs »

Il y a une quinzaine d’années, le parti de Jörg Haider ne représente que 5 % des voix. À l’époque, lors de ses croisades électorales, il aime à rappeler, en outre, « les bienfaits de l’emploi sous le IIIe Reich ». Il « regrette le temps de la grandeur de Vienne, quand elle était la deuxième ville du grand Reich allemand » et « le temps d’Hitler, où l’on ne voyait pas autant d’étrangers en Autriche » ! Dans le cadre des élections législatives de 1999, Haider remodèle son discours un peu trop radical, qu’il veut plus modéré : « Si le travail manque en Autriche, c’est qu’il y a trop d’étrangers. Venus de partout, ils ont envahi le pays, en plus de la déferlante d’immigrés venus de l’Est après la chute du Mur de Berlin ». Il explique que « les chômeurs sont des feignants qui refusent le jeu social ». Pour lui « si le pays va mal, c’est à cause des allocations versées aux femmes étrangères dangereusement fertiles » ! Il préconise « l’obligation du port d’une carte d’immatriculation pour tout étranger vivant sur le territoire autrichien ».

Son ambition est de devenir la première force politique en Autriche et à ce titre, d’obtenir les portefeuilles englobant la fiscalité, la sécurité et la famille. Son programme : libéraliser le secteur gaz-électricité. Allonger la durée des cotisations pour la retraite. Créer un fonds de dédommagement pour les travailleurs « forcés sous le régime nazi » ! Supprimer le ministère de la condition féminine. Établir un salaire maternel. Infliger aux responsables de délits sexuels sur des mineurs une « surveillance à vie » et les inscrire dans un fichier « spécial ».

Un programme, somme toute basique, de la rhétorique fasciste. Hélas, le principal effet de son discours extrême auprès des Autrichiens, aura été de susciter chez eux, un sursaut de nationalisme. Jörg Haider représente, à leur yeux, selon un sondage, « le changement, sans l’aventure ». L’extrême droite qui récoltait en Autriche, environ 27 % des voix l’automne dernier, a fait une progression de 6 points en trois mois et devient ainsi aujourd’hui, la première force politique du pays. Haider a gagné son pari et, fort des 54 % d’Autrichiens qui considèrent comme une hypothèse recevable, la coalition entre l’extrême droite et les conservateurs, a pu imposer ses exigences au cours des négociations de son parti avec celui de M. Schüssel.

Néanmoins, les conservateurs trouvent, eux aussi, leur intérêt dans la coalition. Ils y font passer les points phares de leur programme : l’abandon de la neutralité de l’Autriche et la distribution, à leur avantage des futurs postes-clés ministériels.
Durant les débats, la presse autrichienne s’est contentée d’enregistrer l’évolution des négociations, sans ajouter aucun commentaire. Le président Klestil s’est quant à lui, refusé à rappeler les Autrichiens aux urnes, sous prétexte que le parti de Haider sortirait grandi d’une telle consultation. Seules, dans le pays, les féministes protestent contre l’intention de Jörg Haider de supprimer le ministère de la condition féminine et redoutent « un retour aux ténèbres du machisme ».
 

Mais que fait l’opinion internationale ?

L’Opinion internationale s’indigne ! L’Union européenne a fini par constater qu’elle est sans moyens de pression face à l’arrivée au pouvoir d’un parti xénophobe. Elle affiche sa préoccupation de « s’asseoir à la même table qu’un admirateur (même repenti) d’Adolphe Hitler. Les Belges, les Allemands et les Français ont été les premiers à prendre une position claire de boycott et ont menacé les Autrichiens d’isolement diplomatique, si la coalition prenait corps, fait sans précédent dans l’histoire de l’UE et dont les conséquences pèseront longtemps sur ce petit pays de l’Union ».

Mais, à part des menaces, que faire devant le constat que le parti de Haider est légal et que bon nombre d’électeurs autrichiens lui ont donné, par leurs suffrages, une légitimité. Et les conseillers européens de conclure : « si l’Autriche doit un jour sortir de l’Union européenne, ce sera de sa propre initiative. Tel est le prix du suffrage universel ». À ce jour, au niveau international, Jörg Haider n’a reçu officiellement que l’approbation du chef du Front national de Jean-Marie Le Pen et de la nièce du duce, Allessandra Mussolini de l’Alliance nationale d’extrême droite (Italie) !
 

Une seule solution :  la lutte, pas les élections !

Devant le constat de la « légitimité démocratique » d’un parti d’extrême droite, devons-nous baisser les bras ? Comme l’ont fait les Italiens en 1994, lorsqu’ils laissèrent entrer dans leur gouvernement le dirigeant néo-fasciste Gianfranco Fini ? Comme l’ont fait les Français sous l’aire mitterrandienne, lorsqu’ils laissèrent des députés fascistes siéger à l’Assemblée, puis prendre des mairies et des régions grâce à d’immondes alliances qui rappellent singulièrement le compromis autrichien ?

Accepter les règles du jeu, prétendument démocratique, est-ce accepter les chiffres des sondages, les informations défaitistes relayées par une presse internationale perdue devant un vrai problème de fond et qui refuse d’appeler un chat un chat ?
Refuser de jouer ce jeu là, c’est faire confiance à la lutte des individus qui se battent dans toutes les régions du monde où la menace fasciste pointe le bout de son groin ! Pour combattre le fascisme, il faut essayer de comprendre et surtout d’expliquer les mécanismes de la montée du fascisme et du nazisme en Europe depuis le siècle dernier. Il faut essayer de piéger les nationalistes de tous bords pour démonter, point par point, leurs discours qui sentent l’appel à la haine, au racisme, au repli sur soi et mènent à la xénophobie ! Le combat contre le fascisme a une histoire, un sens et un but. Les anarchistes offrent un raccourci idéologique en proposant, tout simplement de supprimer les frontières ! Et une bonne partie de l’argumentation nationaliste et xénophobe disparaîtra avec elles !

Patrick Schindler - Christophe Tzotzis. — Claaaaaash FA