Opposition au tracé du Lyon-Turin en Italie

Répression sanglante contre les anarchistes

L’opposition au train à haute vitesse dans le Val Susa fut dans les années 1994-96 d’une réelle ampleur et efficacité. Des manifestations, des comités, un regroupement allant des Verts à rifondazione marquent leur désapprobation. Car le Val Susa où doit passer le futur TGV est une petite vallée derrière les Alpes, du côté de Modane. Cette vallée a déjà l’autoroute de la STAV qui a tué beaucoup d’agriculteurs, beaucoup d’habitants, beaucoup de pauvres. Elle a fait le désert au profit du bassin d’emploi de la Fiat de Turin. Au même moment, les habitants du Val Susa qui ont vu les limites de l’action revendicative institutionnelle se rappellent les sabotages de leur histoire (cf., le Val Susa lors de la résistance antifasciste). 19 sabotages ont lieu. Sans blessé, sans mort. Mais la presse locale et la Stampa parlent de terrorisme. L’Etat, les industriels, la presse monte alors l’opération des anarchistes. Trois personnes Maria Soledad Rosas, Eduardo Massari et Silvano Pelissero sont arrêtes. Ils habitent dans les squats de Turin. Toute la presse s’appuyant sur des informations distillées par le pouvoir, les accuse d’être les responsables des attentats. Le procureur Laudi (célèbre pour son action dans les années de plomb), vice-président du syndicat de la magistrature parle alors de « preuves de béton» contre ces trois-là. On est en mars 1998.
 

Deux « suicidés » en prison

Les journaux la Stampa, LeCorriere delle Sera, la Republica, servent le pouvoir comme boîte de résonance pour les accusations. Ils répandent chacun à leur niveau la diffamation. Un mois après, face à ce flot de propos infects, Eduardo se « suicide », Soledad subit les tracas des juges et de la presse, elle meurt aussi dans des conditions mystérieuses. On est en juillet, Silvano en grève de la faim depuis un mois, incarcéré à la prison de haute sécurité de Novara obtient par des pressions son placement en résidence. Les calomnies contre Sylvano reprennent très rapidement, des informations données par le chef de la police secrète de Turin servent d’arguments. Malgré tout le procureur laudi est obligé de reconnaître les faits ou tout du moins ceux qui l’arrangent.

Les accusations contre les deux inculpés morts en prison sont abandonnées faute de preuves. Ils sont morts pour les besoins d’un montage politico-judiciaire. Pendant les deux années que le procès a eu lieu, la presse, tout au long des articles, a diffamé Silvano le présentent comme un fasciste, la population du Val Susa comme des demeurés, d’obscurs sorciers, comme des gnomes en faisant référence au seigneur des anneaux (Tolkien), les squatters comme des farfelus terroristes protégeant les criminels des Brigades rouges.
 

Les liens entre le patronat,  la mafia, l’Etat et la presse

Aucun article conséquent n’a été écrit pour parler des liens entre le projet du TAV Lyon-Turin, le patron de Fiat, les industriels, l’autoroute, et la mafia. Aucun journaliste n’a écrit sur les protections dont bénéficie l’ancien responsable de la gendarmerie de la région de Susa, responsable de la sécurité de l’autoroute, impliqué dans un trafic d’armes avec un armurier fasciste de la région, ni des liens que celui-ci entretient avec un ancien agent des services secrets (condamné pour onze meurtres) dans le Val Susa. Les morts du montage « éco-terroriste du procureur Laudi n’ont droit qu’a l’oubli que leur réserve leur rang social.

Le 21 janvier les avocats de Silvano ont démontré l’innocence de leur client, le manque de preuves de l’accusation, le montage fait pour inculper des anarchistes. Le 31 janvier à Turin, ville d’Agnelli, patron de Fiat, le procès se termine. La diffamation contre le seul inculpé encore vivant est la seule possibilité pour la justice de pouvoir condamner. La presse va-t-elle encore servir de caisse de résonance aux pouvoirs et ainsi terroriser un peu plus ceux qui seraient tentés de se révolter contre des projets qui concernent leurs vies ?
Fait à Valence le 24 janvier après la condamnation de Soffri inculpé dans l’affaire Calabresie.

Luc