De la prison à la révolte

Serge Livrozet

L’Esprit frappeur a eu l’excellente idée de rééditer « De la prison à la révolte ». La première parution de ce livre, en 1973, avait été un véritable coup de tonnerre au sein du monde de la toute nouvelle lutte anticarcérale et même du mouvement révolutionnaire de l’époque.

Dans sa préface, Michel Foucault fait remarquer à juste titre que l’analyse du pouvoir et du droit appartenant à tout un courant anarchiste dont nous pouvons confirmer aujourd’hui que Serge Livrozet se revendique clairement. Nous y retrouvons ce que beaucoup d’entre nous ont expérimenté dans leur propre vie : la misère et la répression nous acculent à la révolte ou à la soumission. En effet, comme le rappelle Serge Livrozet, qui cite George Jackson : « Être né esclave dans un classe asservie de la société nous conditionne à considérer l’emprisonnement comme inéluctable. » Dans la quatrième partie du livre, Serge présente en exergue la réflexion de Jules Vallès : « Je suis un révolté. Mon existence sera une existence de combat. »

Avec le Comité d’action des prisonniers qu’il a créé fin 1972 et animé jusqu’en février 1980, l’auteur de cet ouvrage unique qu’est « De la prison à la révolte » a prouvé qu’il ne parlait pas pour ne rien dire. Les autres luttes auxquelles il a participé et participe encore confirment, s’il en était besoin, que ses écrits et ses actes sont toujours étroitement en accord.
 

« La révolte est saine »

Il serait vain de prétendre rendre compte d’un ouvrage aussi puissant par une analyse ou un récit. La vivacité de la griffe souligne avec rage la véhémence et la profondeur de la pensée. Au début du XXe siècle, il est plus que jamais d’actualité. Mieux, à des générations perdues et désespérées, il peut offrir l’impression d’une pensée nouvelle et particulièrement revigorante.
Serge est un gardien du feu. Il brandit haut le flambeau de la révolte. Or, avec Stirner, nous savons qu’il n’y a qu’un pas de la révolte à la révolution.

Les formulations subversives se succèdent tout au long de l’essai et viennent réveiller les consciences endormies : « [Le] vol, pour nous révoltés, c’est tout simplement une forme de reprise individuelle en attendant le jour où l’égalité ne sera plus marquée aux frontons des édifices publics mais inscrite dans les faits et dans les mœurs. » Ou encore : « La révolte est saine et logique, car elle demeure la seule attitude possible dans un système social qui a besoin pour se perpétuer de transformer la majorité de la population en esclaves. » Il est rassurant et stimulant de savoir que des penseurs comme Serge Livrozet argumentent avec une telle vigueur face au libéralisme et à l’État.

À côté de nombreux livres où il s’exprime avec ce talent de pamphlétaire que beaucoup lui reconnaissent, surtout « Hurle » et « La dictature démocratique ». « De la prison à la révolte » est un livre exceptionnel. Nous pouvons même affirmer sans crainte qu’il est incontournable pour ceux et celles qui participent à la lutte contre toute forme d’enfermement et croient à la légitimité, à l’urgence et à la nécessité d’une société radicalement libertaire.

Jacques Lesage de la Haye


De la prison à la révolte. Serge Livrozet. édition L’Esprit frappeur. 180 p. 20 F. En vente à la librairie du Monde libertaire, 145 rue Amelot Paris 11e (26 F avec port).