L’archipel indonésien sous la menace d’une guerre sainte

Convoqués par le Front d’action uni des étudiants musulmans d’Indonésie, les manifestants à Djakarta et à Java, ont défilé scandant « Dieu est le plus grand », « Guerre sainte » ainsi que « Brûlez les églises ». Plus de 85 % des 210 millions d’habitants de l’Indonésie se réclament de l’islam. L’un des placards arborés par les étudiants dans les rues de Djakarta portait l’inscription : « Génocide de musulmans à Ambon peut aussi signifier génocide de chrétiens à Djakarta ». Les facteurs religieux et ethniques, à coté de revendications économiques et politiques, semblent jouer un rôle de plus en plus important dans les explosions de violence secouant régulièrement cet immense pays disparate qui regroupe quatre archipels et des milliers d’îles étirés dans un arc de cercle de près de 5 000 kilomètres.  L’islam, apporté de Java au XVe siècle, et le christianisme, prêché par saint François-Xavier en 1546, y coexistent de plus en plus mal.
 

« Exterminer le peuple moluquois »

Les affrontements opposant chrétiens et musulmans qui secouent depuis un an l’archipel des Moluques, ont fait au moins 1 134 morts. Plus de 700 personnes, selon les décomptes officiels, ont été tuées au cours des deux dernières semaines et les affrontements continuaient mercredi malgré le déploiement de quelque 8 000 soldats envoyés en renfort. Le colonel Prijantono a confirmé que depuis le 26 décembre, 502 personnes avaient été tuées dans l’île d’Halmagera. Il a démenti que les membres de la communauté musulmane vivant sur cette île avaient été massacrés.

Les violences à Halmagera ont fait suite aux affrontements qui, commencés au lendemain de Noël avec l’incendie de l’église de Silo, le principal lieu de culte de la communauté protestante de Ambon, ont fait 63 morts dans la capitale provinciale et 165 dans l’île voisine de Buru, essentiellement dans la communauté chrétienne. Les autorités indonésiennes semblent à court d’idées pour régler le conflit qui a éclaté dans cet archipel où la population indigène d’origine mélanésienne et largement christianisée, se sent menacée par l’implantation massive, organisée et financée par le gouvernement de Djakarta, de colons musulmans venus d’autres îles indonésiennes.

« Ce conflit auquel il a été donné une étiquette religieuse vise en fait à exterminer le peuple indigène moluquois et ses institutions sociales », a ainsi assené la semaine dernière la Communion indonésienne des églises. Affirmant que la communauté chrétienne était « en passe d’être supprimée », l’organisme qui regroupe la hiérarchie catholique et protestante a demandé l’intervention de la communauté internationale et l’envoi de forces de maintien de l’ordre…
 

La messe est dite !

Rappelez-vous juillet, août, septembre 1999, le massacre des étudiants en grève, le Timor, les chrétiens tués au nom d’Allah… Cela continue. L’armée, les milices tuent non plus pour un idéal religieux mais par télécommande et par bêtise, car en fin de compte les tueurs ne savent pas pourquoi ils massacrent, ils obéissent comme des cons, ils tuent gratos. Seuls les chefs religieux planqués dans leur mosquée et leur temple, les responsables politiques de Djakarta dans leur bureau climatisé et les cols blanc australiens, style sciences éco et les barbouzes américaines, calculent que si tant de mecs sont liquidés au mètre carré, c’est autant de place de gagnée et de richesse pour eux. Le soir, au chant du muezzin, voici les métreurs. Tout a été programmé. Demain, elles démarreront de bonne heure les pelles mécaniques de chez Mac Cornik.

Les soldats, à Java, ont tiré sur les étudiants parce que ces « privilégiés » contestaient les excès de la dictature et l’ordre militaire. Il faut savoir qu’en banlieue de Djakarta logent dans les mêmes immeubles, les familles des soldats et celles des étudiants. En temps ordinaires, elles se fréquentent et s’apprécient, elles se retrouvent le vendredi pour la prière. Puis il y eut l’appel à la paix lancé par la communauté internationale. Nos troufions basés à Nouméa sont partis dare-dare défendre la démocratie au Timor en prétextant le secours humanitaire. Parlons-en du droit à l’ingérence dans les conflits. Oui, quand ça risque rien. Hein ! Mon pote Tchétchène, c’est bon la guerre ?… « Il arrive quand l’ONU ? » Qu’ont-ils faits, à part occuper le terrain à glander, « nos » bidasses humanitaires ? Les Australiens ne voulaient pas de cette french force, alors ils l’ont cantonnée loin du barouf. Quelques semaines plus tard, nos troupes repues de sieste et de médailles furent accueillies en héros a Nouméa « Pour Noël, je vous les ramènerai ».

Le général l’avait promis. Depuis l’évêque du Timor est venu prêcher la concorde universelle. Il fut le grand gagnant de l’opération… armée nationale et d’occupation, curés, imams barbus et sans poils, coopérants techniques et conseillers militaires, les ingénieurs de l’armement de chez Matra, l’équipe de chez Bouygues, à chacun son tour et son butin et les pays sont ficelés dans les normes. Le temps des razzias ne s’est jamais arrêté.

La question du Timor « résolue », voilà qu’ils repartent sur autre chose. Les jeux de Sydney ! Il faut médiatiser tout le temps, occuper les ondes pour que d’autres ne les occupent pas, faire du bruit, occuper le terrain et empêcher toute chose de se dire : comme la pauvreté, la maladie, les eaux insalubres et les égouts saturés, le chômage, les suicides des aborigènes, premiers occupants de l’Australie, par centaine dans les prisons australiennes, surpopulation, le parcage dans les squats à Nouméa des kanaks des tribus, malnutrition, illettrisme : tous ces problèmes représentent la réalité non divulguée dans les îles du Pacifique et ce sont les vraies causes des massacres interethnique, inter-religieux. Ces événements sont à deux heures d’avion de l’Europe et à quelques mois des jeux olympiques.
 

Envahir ! Expulser ! Construire !

Et détruire ! C’est le credo des croyants et des promoteurs. Peuples de partout ! La guerre des Églises, c’est un paravent. Ils veulent vos terrains pour bâtir des immeubles « grand standing » avec piscines et plages privées… ils vous laisseront la gérance de l’entretien et de la surveillance. Nous serons les flics des quartiers périphériques et les surveillants des banlieues à risques. Les constructeurs pensent à nous, ce qui veut dire que nous serons tous les gestionnaires de leurs œuvres et nous deviendront leurs complices.

Comment se débarrasser du capital et des capitalistes, de la croyance et des stock-options ? Voilà, la vraie réflexion pour tous ceux, et toutes celles, qui veulent toujours et encore lutter pour plus d’égalité entre les peuples… Hémisphère Sud, hémisphère Nord, même combat !

Albert. — Kanaky