ML : Que pensez du Plan Polmar
J B : On s’est doté d’une nouvelle
structure en Décembre 1997. Et pour son baptême de feu, c’est
une véritable faillite. Autant en mer que sur terre. Le plan Polmar
pour la mer donne de nombreux pouvoirs au préfet maritime dont celui
d’hélitreuiller, à bord d’un bateau lors de la première
avarie, des experts pour faire un diagnostic et prendre immédiatement
les mesures adéquates. Or l’Erika a été abandonnée
à elle-même pendant 36 heures au large de la Bretagne. Pour
le plan Polmar terre, c’est la même faillite. On s’est en permanence
trompé sur les prévisions sur les côtes qui seraient
touchées et du coup les équipements de nettoyage, les barrage
flottant n’étaient pas là…
Ce n’est pas forcément toujours la
compétence des experts qui est en cause mais surtout leur dépendance.
Prenons le cas du CEDRE (Centre de Documentation de Recherche et d’expérimentations
sur les pollutions accidentelles des eaux). Le CEDRE est piloté
(et en partie financé) par l’industrie du pétrole elle-même
L’idée du CEDRE, c’est que la marée noire ne soit plus une
catastrophe écologique. La tactique principale est donc de repousser
le plus loin possible les épaves encombrantes et de diminuer le
retour à terre des polluants, tout en minimisant et en relativisant
les effets toxiques du pétrole. Avec ce style de raisonnement, on
peut se dire qu’il ne faut pas s’affoler avec 20 000 tonnes de pétrole
car en 1978 la Bretagne en avait reçu 220 000.
ML : Et cette marée humaine de
bénévoles, au premier abord on pourrait parler d’une solidarité
qui compense les incapacités d’un Etat…
J B : Au tout début, pour répondre
à l’urgence, on a connu une concentration très élevée
de bénévoles qui pour certains travaillaient jusqu’à
20 heures par jour. Et sans protection particulière. Pourtant les
hydrocarbures volatils sont toxiques et provoquent des irritations oculaires,
vomissements, évanouissements, confusion et troubles du comportement.
C’est seulement après un communiqué de Robin des Bois, en
date du 12 janvier que le débat a été lancé.
À ce jour 400 consultations ont été répertoriées…
Après la marée noire on a connu la marée humaine.
On a d’abord connu une mobilisation capitaliste avec par exemple le Crédit
agricole du Morbihan qui a donné une journée à ses
salarié-e-s pour aller nettoyer. Puis on a eu aussi des groupes
spécifiques comme des sans-papiers, des adolescent-e-s de banlieues,
des classes vertes, des chômeur-euse-s… On doit être vu en
train de nettoyer les oiseaux et le rivage ! Mais au-delà des polémiques
sur le nettoyage c’est bien la logique économique, la logique des
pavillons de complaisance et la logique de l’imprévoyance auxquelles
il faut s’attaquer…