La chasse aux... profits
Comme se plaisent à le dire les représentants
des fédérations de chasse et du parti réactionnaire
chasse-pêche-nature et tradition (CPNT) : « les chasseurs aiment
la nature », « la chasse, c’est naturel » et «
les chasseurs sont les meilleurs gestionnaires de la nature ». Mais
de quelle nature parlent-ils ?
chasse = nature…
La nature comme monde physique et biologique
avec lequel chaque être humain entretient un rapport affectif et
esthétique ou bien un réservoir à viandes d’un type
particulier (le gibier) qu’il faut gérer et dans lequel on puise
à coups de fusil ? Malheureusement, il semble évident pour
tout le monde sauf pour les viandards et les affairistes de la chasse
que la majorité des chasseurs se regroupant derrière
les défenseurs officiels de la chasse partage la seconde représentation.
… nature = gibier
Ainsi pour ces chasseurs de temps modernes,
il convient de favoriser les populations de gibier de toutes les façons
possibles : introduction massive avant l’ouverture de la chasse, croisement
des sangliers avec des cochons pour obtenir des « sanglochons »
libres de se reproduire en plus grande quantité que les sangliers),
agrainage (mise à disposition de nourriture pour le gibier), élimination
des prédateurs naturels (renards, blaireaux, putois, fouines…) et
plus rarement limitation du nombre de prise, de jours de chasse,
voir interdiction de chasse pour une durée déterminée.
chasse aux… profits
Dans notre société d’abondance,
le principal moteur des défenseurs de l’activité «
chasse 2000 » n’est pas la recherche de protéines (cf. ML
n°1147 du 15 janvier 1999) mais de favoriser le développement
d’une activité spécifique de l’industrie du « loisir
» avec toutes ses retombées économiques : TVA et autres
taxes (une part pour l’État) sur les produits (les fusils, les balles
et autres accessoires, le gibier d’élevage, les chiens, les revues
hebdomadaires, mensuelles, trimestrielles, les publicités, les produits
« profit-lactiques »…) et les services (permis de chasse, vente
de journées de chasse…).
Marchandisation des espèces et des
espaces naturels…
La marchandisation du loisir chasse depuis
le début des années 80 a abouti à des prises de décision
délirantes : suppression par Gaston Deferre (à l’époque
ministre de l’Intérieur de Mitterrand) de la zone de sécurité
de 150 mètres autour des maisons, réintroduction de la myxomatose
pour interdire aux chasseurs de limiter des surpopulations naturelles de
lapins puis diffusion de vaccins anti-myxomatose pour juguler l’hécatombe,
introduction de lapins d’élevage porteurs de la maladie ayant décimé
les élevages de la France entière dans les années
96-98 contaminant les lapins de garenne sauvages, tolérance de la
vente de viandes de gibier (interdit) par les chasseurs sans contrôle
sanitaire (interdit)…
… petit sœur de l’agro-industrie
Mais si cette pratique de la « chasse
aux profits » est un facteur important de la dégradation de
la faune sauvage, il convient aussi - par souci d’objectivité -
de regarder ailleurs : l’agriculture chimique et industrielle décime
les colonies de perdreaux, lesquelles buvant à la rosée s’empoissonnent
avec les produits chimiques répandus sur les feuillages, tout comme
les escargots. Si les chasseurs de perdrix ou d’escargots peuvent
trop prélever d’individus, l’activité agricole porte sa part
de responsabilité. Dans cette situation, interdire la chasse pour
rétablir les populations seraient aussi incohérents que d’interdire
aux promeneurs de cueillir les fleurs mellifères parce que les abeilles
meurent alors qu’un insecticide révolutionnaire et surtout très
rémanent (Le Gaucho) semble être la principale cause.
Vers l’officialisation des inégalités
?
Les orientations du rapport du député
socialiste-chasseur ne doivent pas nécessairement nous réjouir.
Comme les 35 heures et la casse des acquis sociaux, comme la C.M.U. et
la médecine des pauvres, comme le PACS et la réglementation
des désirs, le futur projet de Loi sur la chasse vise à institutionnaliser
par la Loi ce qui n’était alors qu’une prérogative
des préfets des inégalités, en l’occurrence
le partage de l’espace naturel : « durant les périodes de
chasse (la majorité de l’année), les autres usagers de la
nature sauront qu’ils peuvent fréquenter les espaces naturels en
toute tranquillité le… mercredi et, ce, sur l’ensemble du territoire
national ».

Tout le reste ne sont que des amuse-gueules
pour des écolos béats et/ou des miroirs pour attraper les
bulletins de vote d’électeurs volages à la fibre environnementalistes
alors que la France met son droit en cohérence avec la législation
européenne (cf. les décisions actuelles des tribunaux administratifs
s’alignant sur le droit européen en réduisant la durée
de la chasse des gibiers d’eau alors que l’année dernière
les préfets allongeaient ces même durées de chasse).
Des voix s’élèvent face aux
marchands et aux réactionnaires
Cette consécration de l’industrie de
la chasse n’éliminera, ni ne réduira les exactions citées
plus haut. Elle assoira une force politique réactionnaire votant
les budgets des régions gérées par la droite et l’extrême
droite (Picardie et Languedoc-Roussillon) et renforcera le sentiment d’impunité
de cette corporation organisée, laquelle s’attaque violemment aux
récalcitrants mais aussi à leurs outils de travail. Déjà,
des réactions se font jour pour que se soit respecter la liberté
de chacun de fréquenter les espaces naturels ; Ainsi, en Lozère,
suite à des atteintes portées à l’encontre d’un éleveur
et de ses animaux, il s’est créé un « collectif contre
les abus de la chasse » à l’initiative de syndicats (CNT 48,
Confédération paysanne et SUD-PTT), d’associations à
vocation sociale et de protection de l’environnement. En Picardie, c’est
le « collectif pour le respect des droits des usagers de la nature
» qui s’évertue à défendre le droit à
un usage multiple de la nature.
Socialiser le débat !
Les conflits autour de la chasse ne sont pas
uniquement des prises de position infantile (surtout lorsque les plus ardents
opposants à la chasse mangent de la viande élevée
comme on le sait et tuer à la chaîne dans les abattoirs) «
pour ou contre le droit de tuer des pauvres petits animaux ? », mais
plutôt « Continuerons-nous à nous laisser spolier l’accès
aux espaces naturels et laissons-nous se dégrader les populations
d’animaux sauvages au plus grand profit de l’État et d’entreprises
vivant du loisirs de la chasse et de l’agriculture intensive ? »
La réponse collective apportée
à cette question permettra aux ruraux, aux chasseurs dilettantes
et aux urbains en quête de grands espaces de ne plus s’affronter
à des bandes de « jobastres » et à nous tous
de bénéficier d’une alimentation de qualité.
Patrick. groupe du Gard
groupe-du-gard@federation-anarchiste.org