CHILI
Pinochet est assuré d’une retraite
tranquille
Tandis que le gouvernement chilien (de la
Concertation) clamait haut et fort que Pinochet devait rentrer au pays
et qu’il y serait jugé, cinq sénateurs (dont un socialiste)
présentaient le 7 septembre leur projet de réforme constitutionnelle,
il était approuvé le 15 lors d’une session extraordinaire
du Sénat. Le 19 janvier, Eduardo Frei, président sortant,
donnait l’ordre au parlement d’examiner le projet sénatorial. Aussitôt
dit, aussitôt fait, le 25, le projet de modification de la constitution
était adopté en l’état par les députés.
A priori, il devrait entrer en vigueur le 30 mars.
Le projet de loi approuvé par les
deux chambres du parlement établit que les anciens présidents
de la république qui sont aussi sénateurs à vie, pourront
renoncer à leur charge de sénateur ou en être démis
mais « conserver la dignité » attachée à
leur ancienne fonction de président. Jusqu’à ce jour, la
Constitution héritée de la dictature empêchait la perte
du statut de sénateur à vie (constitution de 1980 et les
fameuses lois ? amarres, voir ML n° 1186). Cela concerne donc Pinochet
et, à partir du 11 mars, le président sortant Eduardo Frei,
puisqu’il faut avoir exercé un mandat présidentiel pendant
au moins 6 ans !
La modification de la constitution est
taillée sur mesure pour Pinochet : elle modifie l’article 30 et
établit le nouveau statut « d’ancien président de la
république ». Concrètement, quand bien même l’immunité
parlementaire de Pinochet serait levée pour qu’il réponde
de ses crimes (57 plaintes ont été déposées
contre lui et sont instruites actuellement au Chili par le juge Juan Guzmán),
elle serait aussitôt remplacée par l’immunité d’ancien
président. Même s’il semble aujourd’hui se profiler la possibilité
de lever l’immunité parlementaire de Pinochet (l’opinion internationale
étant finalement la seule pression), le vide juridique est tel sans
oublier que les postes de l’appareil d’état sont aux mains de pinochétistes,
que l’ancien dictateur peut dormir tranquille.
Il ne lui reste donc plus qu’à attendre
6 semaines pour rentrer au Chili et profiter d’une retraite de rentier.
Au bout du compte, le seul enseignement à retirer de cette «
affaire » est la « dépinochétisation »
de la société chilienne (voir ML n°1190) : elle souhaite
effacer l’ancien dictateur de son histoire. On ne construit pourtant pas
une société sur l’oubli mais sur la mémoire car «
ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à
le revivre ». Ni perdón, ni olvido !
Ima Llumpay