Contre les patrons et les bureaucrates syndicaux
L’autogestion, pas le paritarisme !
Quand, à l’issue de son assemblée
générale du 18 janvier, le MEDEF avait annoncé son
retrait des organismes sociaux (sécurité sociale, caisses
de retraite, assurance chômage) avant le 31 décembre, la question
se posait de savoir si c’était du bluff ou pas (1). L’alerte fut
chaude. Le patronat mettait en avant son projet de « refondation
sociale » et établissait une date butoir (31 décembre)
tout en forçant la main aux syndicats et à l’Etat sur les
points qu’il désirait renégocier. L’organisation patronale
émergeait médiatiquement de l’ombre où l’application
des 35 heures l’avait relégué. Malgré les nombreux
avantages que les compères du baron Seillières vont obtenir
des 35 heures, le MEDEF avait mal digéré de ne pas pouvoir
en tirer davantage encore. La seconde loi votée à l’assemblée
nationale, les luttes liées à la RTT dans le public et dans
le privé se multipliant, les patrons voulaient reprendre l’initiative
et faire montre d’énergie. Voilà qui est donc fait.
Petits effets de manche et grandes compromissions
Avant de se revoir le 3 février, les
syndicats avaient déclaré le 26 janvier qu’ils feraient bloc
contre le chantage patronal. C’est donc sans surprise que les syndicats
« représentatifs » dont la CFTC (interdiction de rire
!), se sont retrouvés devant les représentants du MEDEF ce
3 février. La réunion se déroulait dans un des hauts
lieux de l’Etat, le Conseil économique et social (tout un symbole).
Près de six heures de négociation
entre briscards du paritarisme seront donc nécessaires pour que
les patrons renoncent à l’ordre du jour qu’ils avaient mis en avant
et pour que les syndicalistes apportent leur point de vue aux sujets qui
seront bientôt abordés. Car il est prévu que d’ici
au 15 mars, les partenaires sociaux planchent dans des groupes de négociations
sur l’approfondissement de la négociation collective. Ces quatre
sujets feront l’objet d’une nouvelle rencontre au sommet avant l’été.
Plus tard, quatre autres thèmes seront traités : la formation
professionnelle, l’égalité professionnelle, la place de l’encadrement
et la protection sociale. À l’issue de la rencontre, chacun y est
allé de son petit commentaire. En gros, il n’y avait pas de vainqueurs
ni de perdants. Le paritarisme va donc continuer son bonhomme de chemin.

Pourtant, on ne doit pas baisser la garde.
Il nous faut rester vigilant face à ces machines à compromissions
que sont les syndicats représentatifs et à leur attitude
face au patronat qui, en remettant en cause sa participation à la
gestion des caisses sociales remet en cause l’accession au gâteau
du pouvoir des syndicats. Si le paritarisme fonctionne en France comme
ailleurs, c’est bien que des structures syndicales acceptent d’en être.
Et ces structures qui « représentent les travailleurs »
ont bien mal défendu leurs adhérents si l’on en juge par
l’examen des droits sociaux sans cesse rognés, d’année en
année. Ces mêmes syndicalistes qui cogèrent le pouvoir
et le rabotage continuel des retraites et pensions ne remettent pas en
cause dans ce contexte les revenus scandaleux de Jean-Luc Lagardère,
PDG du groupe qui porte son nom (6 millions de francs par an), de Ph. Bourguignon
(pdg du Club Méditerranée, 3 millions), de Claude Bébéar
(pdg d’Axa, 16 millions de francs) (2)…
Sans tomber dans l’antisyndicalisme primaire,
car la minorité bureaucrate syndicale qui anime le pouvoir ne peut
pas faire oublier les milliers d’adhérents sincères et combatifs,
il faut connaître la position du patron de l’industrie hôtelière
qui déclarait le 5 septembre devant le MEDEF : « il nous faut
des syndicats puissants qui soient à l’abri de la démagogie
et de la surenchère » (3). Notre vigilance active pour les
prochaines négociations du 15 mars patronat-Etat-syndicats devra
donc être tournée non pas vers le seul patronat comme le voudrait
le secrétaire général de la CGT, mais vers tous ceux
qui négocient pour nous, sans nous.
Capitalistes et bureaucrates : tenons-les
à l’œil
Au moment où l’on apprend que «
60 % de Français ne veulent pas que les patrons quittent la sécu
» (4), il va falloir sans doute remettre sur la table notre conception
égalitaire et autogestionnaire avec et pour les usagers de nos caisses
sociales et de solidarité. Si une majorité de l’opinion publique
pense que les patrons doivent rester malgré tout ce qu’ils nous
ont déjà fait, c’est qu’ils n’ont pas idée pour une
autre conception sociétaire que celle-là. Nous pouvons y
remédier en comprenant les mécanismes de gestion actuelle,
pour mieux dénoncer les effets pervers et apporter des réponses
et des actions adaptées aux problèmes posés par un
paritarisme qui perpétue une société d’inégalités
sociales et d’illégitimes partages des pouvoirs. Tout cela en notre
nom.
Daniel. — groupe du Gard de la F.A.
(1) Le Monde libertaire du 27 janvier
(2) Le Monde du 22 janvier
(3), (4) L’Humanité du 4
février.