Éducation : mobilisation dans le Gard

L’école est dans la rue

À l’heure ou nous publions cet article le mouvement de grève continue de s’élargir, une manifestation a regroupé 15000 parents et enseignants le samedi 12 février dans les rues de Nîmes. À cette date 300 écoles primaires sont occupées dans le département, 30 établissements scolaires le sont également. Les grévistes ont rivalisé d’imagination pour populariser leurs revendications : barrages filtrants avec signature de pétitions, occupation de l’IUFM de Nîmes, inspections académiques murées à Bagnols et à Alès, blocage des voies TGV en gare de Nîmes, des monuments sont emballés…
Face à la détermination des grévistes le gouvernement a déjà cédé sur plusieurs points : il n’y aura pas de suppression de classe et le recteur de l’académie du Languedoc-Roussillon annonce la création de 78 postes sur la région… mais nous sommes encore loin du compte puisque le seul département du Gard en demandait 500… affaire à suivre.

Voici comment, le 5 février dernier à Nîmes, s’exprimait une manifestante : « Il y a une très grande distance entre les discours tenus par le gouvernement et la réalité. On nous dit que l’école est une priorité. Certes, elle n’a jamais été entourée d’autant de discours mais elle est de plus en plus vouée à se démener toute seule pour survivre. Enseignants et parents sont en permanence à la recherche de fonds pour financer des projets fondamentaux : vente de calendriers, stands, lotos, vide-greniers… dont les bénéfices permettront d’acheter aussi des outils importants pour travailler (livres, bouliers, instruments de musique, téléviseurs, magnétoscopes, ordinateurs, etc.). Car bien sûr, les mairies ne peuvent pas tout financer ! Le rôle de l’école et des parents n’est pas d’amasser de l’argent tout au long de l’année pour que l’enfant puisse travailler dans de bonnes conditions. L’implication est autre. L’Etat abandonne ses responsabilités et procède, sous couvert d’un discours démagogique bien entendu, à la disparition d’une école républicaine solide, juste et bien équilibrée au niveau des moyens sur tout le territoire français. »
 

Une lutte massive et solidaire

À quelle aune faut-il faire référence pour mesurer l’impopularité d’un ministre ou l’intolérable d’un désastre écologique afin que les médias s’en fassent l’écho ? À Nantes, 20 000 personnes venues des cinq ou six départements concernés par la marée noire manifestent en fustigeant pêle-mêle Total, ses dirigeants et les autorités de tutelle (le CEDRE, la préfecture maritime entre autres). À Nîmes, 5 000 enseignants, parents et élus du seul département du Gard se mobilisent pour manifester contre la dégradation de l’enseignement public. D’un côté, et on ne peut que s’en louer, une couverture médiatique protéiforme et multidirectionnelle, de l’autre des informations régionales parcellaires et rien ou si peu au niveau national…

Et pourtant, un mouvement de grève reconductible initié par l’intersyndicale des professeurs des écoles gardois dure depuis une semaine, se traduisant par un pourcentage de plus de 80 % d’enseignants grévistes, l’occupation de l’inspection académique, ne s’agissant pas de revendications catégorielles, les parents se sont vite montrés solidaires du mouvement en occupant de nombreuses écoles, notamment en zone rurale et dans les quartiers défavorisés. Des cahiers de doléances ont été mis en place dans les écoles afin que chaque enseignant y consigne les disfonctionnements constatés ainsi que les remèdes à apporter pour amender le fonctionnement du système scolaire. Ces recueils ont été collationnés et portés à l’inspection académique pour être transmis à Allègre. Le constat est unanime en ce qui concerne un manque flagrant de moyens : les remplacements ne sont plus assurés dans la mesure où le personnel chargé de cette tâche est employé pour combler un déficit de postes non pourvus par l’inspection académique, des psychologues scolaires en grâce sous-effectif (une personne pour 130 établissements…), des réseaux d’aides et de soutien pour enfants en difficultés (RASED) dont l’existence, faute de moyens, ressemble à une coquille vide et ne peuvent remplir leur rôle, des classes surchargées et la crainte récurrente de fermeture de classes.
 

Allègre fait l’Autruche

Face à cette mobilisation citoyenne, le ministre, d’abord muet, se contente simplement au bout d’une semaine de réaffirmer qu’il n’y aura pas de fermeture de classe, qu’un plan de rattrapage pour la région Languedoc-Roussillon permettra des créations de poste, ne s’adressant que par médias interposées aux manifestants, Allègre, notamment au club de la presse d’Europe 1, ne sort de son cartable que des chiffres erronés en matière de postes et de créations de classes : il avance le chiffre de 5 000 professeurs des écoles pour le département alors que les effectifs de l’inspection académique ne comptent que 3 000 postes d’enseignants… Il s’enorgueillit de 38 ouvertures de classes en omettant de parler de la fermeture de 28 classes l’année précédente. À qui profite le mensonge ? Le préfet du Gard, relayé par la PEEP, reproche aux enseignants d’occuper les locaux de l’inspection académique ne respectant pas ainsi les valeurs de la République, eux qui ont à enseigner l’instruction civique aux enfants. Sur ordre du ministère, les forces de l’ordre investissent au petit matin les locaux concernés et évacuent le piquet de grève installé depuis une semaine. Devant des agissements aussi graves, l’intersyndicale, déplorant le manque de dialogue, reconduit la grève en s’adressant directement à Jospin et en entreprenant un vaste effort d’information en direction des parents non encore mobilisés et des collègues non encore grévistes. La grève tend à s’étendre sur tout le département et à déborder sur l’Hérault en essayant le secondaire qui souffre des mêmes maux.
 

Autogérons l’éducation

Le groupe du Gard de la Fédération anarchiste, s’associant à une démarche autogestionnaire, rappelle qu’une réflexion de fond en ce qui concerne l’éducation, l’enseignement et la formation, est bien engagée parmi celles qui permettraient de transformer la société : inscrite dans l’égalité d’une société sans classe, l’éducation doit être organisée pour donner à chacun les mêmes possibilités d’accès au savoir. En rejetant tout endoctrinement, l’éducation libertaire forme les enfants à penser librement en leur donnant les moyens matériels et intellectuels de leur autonomie et en développant leur sens critique. Publique et laïque, l’éducation anarchiste se méfiera toujours de certaines valeurs de la République. Pourquoi ne pas se rencontrer, enseignants, parents, militants, et débattre sur l’éducation, l’enseignement et la formation, sujets préoccupants qui échappent aux principaux intéressés car l’Etat a tout intérêt à participer à son délabrement.

Gérard. — groupe du Gard de la F.A.