Autriche : la trajectoire du FPÖ
En 1949, l’Autriche lève l’interdiction
empêchant les partis d’extrême droite de se présenter
aux élections. La même année, d’anciens membres du
NSDAP, le parti hitlerien, créent le VdU afin de présenter
leurs candidats. Entre 1955-56, le VdU fusionne avec le Freiheitspartei,
ce qui donne le FPÖ désirant associer « la tradition
nationaliste germanique aux perspectives libérales ». Jusqu’en
1978-79, le FPÖ reste dominé par d’anciens nazis. Lors du congrès
de 1964, le second dirigeant du parti, Friedrich Peter, « se prononce
pour une ouverture libérale » du FPÖ, situation permise
par le décès du premier dirigeant, Anton Reinhthaller, hitlérien
notoire. Ce changement d’orientation provoque la scission de son aile droite
qui crée le NDP (sur le modèle allemand) autour de Norbert
Burger.
Vers le libéralisme
Dès 1971, le FPÖ se dote d’une
structure, le cercle Attersee, donnant à ce parti des bases libérales
tout en formant ses futurs cadres. De ce cercle émerge Norbert Steger
qui prend la présidence du FPÖ et le lance vers la participation
gouvernementale. Cette première coalition gouvernementale avec Le
FPÖ se produit avec le parti social-démocrate le SPO, en 1983
(1). L’ancien dirigeant refait surface et Le Monde rappelle que certains
sociaux-démocrates du SPO hésitaient dernièrement
à reproduire l’alliance faite naguère par la figure historique
du SPO, Bruno Kreisky, qui forma un gouvernement avec ces libéraux
conduits par Friedrich Peter (ancien officier SS) qui acceptait pour cela,
« en cas de force majeure » souligne Le Monde de « s’asseoir
à une table avec des francs-maçons ou des juifs » (2).
Ascension électorale du FPÖ et
de Jörg Haider
Jorg Haider, adhérent depuis l’âge
de 14 ans du RFJ, le cercle de la jeunesse libérale, organisation
de la jeunesse du FPÖ, et s’étant rallié à la
candidature de Steger, décide en 1983 « d’incarner l’opposition
nationaliste » au sein du FPÖ. Il rafle la présidence
du parti en 1986 par son approche de la base nationaliste du FPÖ en
rendant son mandat de député à Vienne pour se consacrer
a la Carinthie.
En 1989, le parti d’Haider obtient en mars
29 % des suffrages grâce à l’appui de l’OVP (parti des conservateurs)
et accède au poste du gouverneur de la Carinthie que ses propos
du 13 juin 1991 en faveur de la politique d’emploi du IIIe Reich lui feront
perdre. Il est contraint à la démission par le vote, le 25
juin, d’une loi que les députés de la diète régionale
acceptent de voter. Cela n’entrave pas le FPÖ ayant déjà
obtenu en 1989 15 % des voix dans le Tyrol et à Salzburg. Les élections
régionales de 1991, concentrées sur le thème de l’immigration
apportent au FPÖ 22,6 % des voix à Vienne. En Styrie, elles
passent de 4,5 % à 15,4 % et la Haute-Autriche perd son ancrage
à gauche (17 %) dont plus de 25 % des voix dans les quartiers ouvriers
de la capitale.

Suite à sa démission forcée,
Haider opère un virage dans son discours et se place dans la ligne
de la droite autoritaire. S’appuyer sur le thème immigration, il
espère aussi ratisser les voix socio-démocrates et lance
en 1992 son programme « L’Autriche d’abord » sous forme de
consultation populaire sans toutefois obtenir les 500 000 voix espérées
(alors que 100 000 suffisent pour que la demande puisse être examinée).
Ce programme demandait un amendement constitutionnel signifiant que l’Autriche
n’est pas un pays d’immigration et proposait un arrêt de l’immigration
jusqu’à ce que le chômage baisse à 5 %. Ce projet souleva
l’indignation des partis politiques et des Églises protestantes
et chrétiennes. Ce qui n’a guère empêché cette
année Mgr Kurt Krein d’exprimer son estime a Haider en conseillant
aux Autrichiens de laisser faire (3). Alors que le chancelier SPO Klima
n’avait pas encore refusé la formation d’un gouvernement SPO minoritaire,
ce qu’il fit le 2 janvier 2000.
Après ses purges de 1986, au sein du
FPÖ, Haider les reprît en 1992 afin de rediriger le groupe parlementaire
FPÖ une fois son poste de gouverneur perdu. Il évinça
de cette présidence Norbert Gugerbauer qui avait choisi comme candidate
FPÖ aux présidentielles de 1992 Heide Schmidt, laquelle obtint
16,4 % des voix. Schmidt et Gugerbauer, membres de l’aile libérale
s’étaient opposés au programme « L’Autriche d’abord
» et permis de critiquer la nomination par Haider d’Andreas Mölzer
à la tête le l’Institut de formation du FPÖ, Mise en
minorité Schmidt créa avec trois autres ex-FPÖ le parti
du Forum libéral. Cette scission isola le FPÖ au sein de l’Internationale
libérale. Malgré un recul local des voix du FPÖ en mars
1997 en Carinthie, les électeurs de cette région votèrent
à 37,3 % FPÖ lors des européennes d’octobre 1997. Lors
des régionales de 1999, Haider obtient en Carinthie 42 % des voix
ce qui lui rend son poste de gouverneur. Le 3 octobre 1999, lors les présidentielles,
le FPÖ a teint 26,91 % des voix au niveau national et devient la seconde
force politique derrière le SPO. Ce qui lui offre plus de 50 députés
sur 183, cinq ministres et une vice-chancellière.
L’idéologie hitlerienne
La nomination d’Andreas Mölzer visait
à flatter la base nazie du FPÖ, Mlölzer était en
contact avec les milieux néo-nazis d’Europe et écrivait dans
la presse d’extrême droite. En Carinthie, le conseiller culturel
d’Haider est le rédacteur en chef d’une revue dont les thèses
révisionnistes qu’elle véhicule lui valent d’être poursuivi
en justice (4). Haider joue sur toute la symbolique nazie : graphisme d’affiches
et tracts au look IIIe Reich ; attaques ciblées envers les peintres
(Anton Kolig et Oman Valentin) et écrivains (Elfriede Jelinek) pour
cause d’« art dégénéré » ; désert
culturel hormis la Volkskultur, « la culture du peuple » (thème
majeur de la Nouvelle droite, d’Alain de Benoist à Mégret)
; parallèle établi par CRIDA entre l’envoi de lettres piégées
revendiqué par un groupe néo-nazi et les discours d’Haider
pour le renforcement de l’État policier (les groupes néo-nazis,
selon le CRIDA étant la cinquième roue du carrosse du FPÖ)
(5) ; création en Carinthie d’une immense scène théâtrale
lui servant surtout de tribune politique ; conférences ou commémorations
sur lieux historiques du passage de Hitler.
La récente demande d’Haider de dédommager
les Allemands expulsés des Sudètes ne se contente pas de
vouloir, par ce fait, tenter une équivalence entre génocide
et expulsion d’Allemands mais cherche à se rallier l’appui en Allemagne
des puissantes organisations de réfugiés touchant, au-delà
de la droite et de l’extrême droite des fractions du SPD (socialistes)
et des Verts. Sur ce points, le point, le CRIDA appelait à la vigilance
(6). Ce thème est propice à la réécriture de
l’histoire.
L’immigration et le gouvernement autrichien
Dès 1992, les socio-démocrates
du SPO et les conservateurs de l’OVP hésitèrent a s’allier
avec Haider. La crainte de voir une partie de leur électorat se
tourner vers Haider leur fit débuter cette surenchère sur
l’étranger, bouc émissaire, qui fait la gloire des pays d’Europe,
de la France à l’Autriche et qui, parfois, dérape sérieusement
lorsque des foules déchaînées retrouvent le goût
des cendres et des pogroms comme cela vient de se produire en Andalousie
envers les réfugies marocains. Tous les partis politiques sont responsables
de cette montée de xénophobie incendiaire qui ne fait que
le jeu de l’extrême droite une fois de plus, les socio-démocrates
et les conservateurs ont fait le lit du fascisme déguisé
sous sa forme libérale. Madelin de Démocratie libérale
n’a pas voulu condamner l’Autriche tout comme il dût, contraint,
condamner les maires de droite pactisant en France avec le FN.
Qu’Haider aujourd’hui ferme les écoles
bilingues austro-slovènes, qu’il veuille enregistrer les empreintes
digitales des étrangers, leur coller une carte d’identité
particulière (ce qui est le cas en France), et entreprendre particulièrement
la chasse aux immigrés de l’Est européen, tout cela les socio-démocrates
et les conservateurs le savaient.
Ils n’ont pas attendu que le FPÖ ait
des ministres pour appliquer des lois anti-immigrés. En 1992, le
chancelier et le ministre de l’Intérieur édictaient des lois
restrictives alors qu’ils appartenaient tous deux au SPO : contrôle
rigoureux des activités professionnelles des étrangers ;
quota strict d’immigration dépendant de la main-d’œuvre (20 000
à 25000/an) ; refus quasi systématique des demandes d’asile
politique au prétexte de passage de frontières sans danger
; conditions strictes pour l’acceptation de l’immigré (revenu, métrage
d’habitat, etc.).
Tous les demandeurs d’asile sont internés
(détenus). En 1996, sur 14 700 demandeurs d’asile placés
en détention provisoire, 10 100 ont été expulsés.
Suite à la victoire d’Haider, un sénateur italien d’extrême
droite a décidé de se naturaliser autrichien. Entre fascistes,
on se comprend. D’ailleurs, ils sont avant tout Européens !
Joaquim Lopez
(1) Rapport du CRIDA 1998
(2) Le Monde du 28 janvier 2000
(3) Le Monde libertaire (3 au 9
janvier 2000, Chronique « Crises de foi »)
(4) Le Monde du 3 février
2000
(5) Rapport du CRIDA 1998
(6) Rapport du CRIDA 1998.