Education : Un mouvement solidaire et déterminé
Dans le Gard, la lutte s’enrichit de nouvelles
revendications
Entamée depuis le 1er février,
la bataille déclenchée par les enseignants du primaire et
les parents d’élèves du Gard continue de faire rage. Il ne
passe pas une journée sans que des actions ne soient réalisées
: blocages de péage d’autoroute ou de route nationale, de l’aéroport
de Nîmes-Garons, concerts de klaxons ou pique-nique devant la préfecture,
occupation de la Banque de France, de la mairie de Bagnols-sur-Cèze,
de l’IUFM de Nîmes, banderoles déployées sur des monuments
historiques… Et toujours occupations d’écoles (près de 200
sont fermées à la veille des vacances) par les enseignants
(plus de 60 % de grévistes après trois semaines de grève
!) largement épaulés par les parents d’élèves,
grèves et manifs dans les collèges et lycées du département…
À l’heure où j’écris ces lignes, des enseignants solidaires
du Vaucluse ont bloqué un TGV pendant deux heures. Le mouvement,
qui s’est maintenant étendu dans le département voisin de
l’Hérault, est dans une phase délicate avec l’approche des
vacances scolaires. Allègre le sait qui vient de nommer trois inspecteurs
venus faire le point de la situation. Cette décision dérisoire
du ministre de l’Éducation qui cherche à leurrer la
population a été mal prise : personne n’est dupe. La rencontre
entre la délégation syndicale, la fédération
de la FCPE et les trois émissaires n’a rien donné. Solidaires,
enseignants et parents d’élèves refusent catégoriquement
que des postes soient prélevés dans d’autres régions
pour être affectés ici. Et le mouvement a été
reconduit par les gardois avec un préavis de grève pour le
6 mars, après les vacances scolaires. Malgré la fatigue et
le sentiment que la gauche plurielle n’apportera pas de solution au conflit.
Déjà, les frustrations montent. Au-delà, le mot d’ordre
de grève générale et nationale qui avait été
lancé pour le 16 mars dans le secteur privé et public de
l’école peut devenir un objectif pour tenir.
Vers une lutte autonome
Comme nous le disions dans le tract que nous
avons diffusé au cours de l’imposante manifestation du 12 février
(15 000 personnes à Nîmes), ce mouvement revendicatif «
impressionne par son dynamisme, son caractère massif, la relation
enseignants-parents dans la lutte, les pratiques d’action directe (occupations,
grèves…), l’unité syndicale, la souveraineté des assemblées
générales, la démarche inter-catégorielle ».
Comme souvent dans des mouvements d’une telle ampleur, la revendication
essentielle réformiste, qui reste la création de 500 postes
dans le Gard, devient globalisante et plus politique au fur et à
mesure que le conflit perdure et mûrit. C’est ainsi que dans certaines
zones du département (Laudun, Bagnols) on commence à évoquer
les différences de traitement de l’école publique par rapport
à l’opulente école privée. Dans le même ordre
d’idée, au terme de la manifestation du 12 février, des jets
d’œufs contre la préfecture, lazzis et destructions de cartes d’électeurs
ont suivis l’annonce par la délégation syndicale que le préfet
du Gard n’avait aucun moyen supplémentaire à proposer aux
écoles en colère. Sans compter qu’un certain nombre de personnes,
enseignants ou parents d’élèves, s’aperçoivent que
certaines structures cherchent à freiner le conflit pour ne pas
en perdre le contrôle. Pour ne pas malmener « les camarades
» du gouvernement. J’ai pu en faire l’expérience : les permanentes
de la FCPE du Gard (plus de 5 000 adhérents) m’ont dissuadé
de faire une collecte auprès des parents de mon école pour
les grévistes arguant que ce n’était pas nécessaire.
Le lendemain, j’apprenais que des musiciens organisaient un concert de
solidarité afin de récolter des fonds pour les enseignants
en lutte…
D’un point de vie plus général
encore, les esprits vont forcément s’aiguiser au contact de ce mouvement
de masse. Sans vouloir présager de son avenir, il laissera sûrement
des traces dans les consciences. Notamment sur la nécessité
de l’action collective pour influer sur son quotidien, sans attendre les
lendemains qui chantent des politiciens. Et sur la vraie nature de l’État
et de la gauche qui le gouverne. Mais aussi sur la solidarité en
actes qui s’est déclenchée parmi les parents et des grands-parents
des uns et des autres pour organiser les gardes d’enfants, ce qui est capital
pour éviter des confrontations entre grévistes et parents
d’élèves.
Pour un nouveau projet éducatif
Au cours du conflit, nous avons tenu à
exprimer que la question de l’école reste une problématique
éminemment politique qui renvoie à la redéfinition
d’un projet de société solidaire et égalitaire dans
lequel l’école prend sa place et son sens… L’État, au-delà
des discours et des faux-semblants, développe des logiques qui sont
celles d’une superstructure coupée de la communauté que nous
composons. Il ne représente pas la collectivité, puisqu’elle
est largement acquise à la cause des grévistes. En fait,
l’État cherche peu à peu, en privatisant et en rognant les
budgets, à se désengager des secteurs publics. C’est ce qui
explique que les postiers, les hospitaliers, les agents des impôts
soient mobilisés, certains depuis plusieurs semaines. La logique
qu’ils affrontent est la même que pour les instits et les parents
d’élèves en colère : un service public de qualité
moindre leur est proposé sous couvert de le rationaliser, pour un
coût le plus faible possible. Le secteur privé doit se frotter
les mains quand les gouvernants successifs maltraitent les travailleurs
de la fonction publique et les usagers. C’est pourquoi les cliniques et
écoles privées se portent bien, comme autant de signaux de
faiblesse du secteur public.
C’est dans un contexte d’attaques généralisées
contre tout le service que nous pensons nécessaire que des postes
soient créés entre les différentes catégories
des personnels concernés et qui sont en lutte. Ils ont le même
employeur, sont confrontés aux mêmes restrictions, et ont
besoin d’une solidarité intersectorielle, du privé comme
du public.
Quant à nous, là où nous
avons individuellement affirmé nos identités politiques au
cours d’assemblées générales de parents d’élèves
ou d’enseignants, nous avons été accueillis avec curiosité.
Sans rejet en tous cas, preuve que le projet et les valeurs que nous portons
s’épanouissent plus facilement dans des contextes de luttes. À
méditer.
Daniel. — groupe du Gard