Chiffres du chômage

Des radiations à  la pelle

La baisse du nombre de demandeurs d’emplois, ces derniers mois, a atteint, lit-on ces jours-ci dans la presse, son plus fort taux. À vrai dire, il faudrait plutôt écrire : le nombre d’inscrits sortis des fichiers de l’ANPE a augmenté. C’est ainsi que, pour ne prendre qu’un seul exemple, dans une même famille à Pau, successivement en octobre et en novembre : une jeune fille inscrite depuis cinq ans sur les listes de l’ANPE s’est vue radiée car, suivant des cours par correspondance, elle devait être considérée comme étudiante ; sa mère, elle, inscrite depuis près de dix ans, a été radiée car, effectuant dix heures de travail hebdomadaire déclaré, elle devait être considérée comme salariée (Tony, Bill, merci !). Soulignons, pour être tout à fait complet, que cette mère de famille n’a été convoquée dans les bureaux de l’ANPE pour un entretien qu’une seule fois, lors de l’inscription.

Multiplions cet exemple à l’échelle de plusieurs familles, de la ville, de plusieurs communes, du pays, et l’on a une idée un petit peu plus précise de ce que signifient, véritablement, les chiffres qu’on nous assène comme gage de bonne santé économique. Il faut savoir qu’une politique conjointe des ANPE, des ASSEDIC et du ministère du Travail consiste à ôter le plus grand nombre de demandeurs possible des listes pour les raisons que l’on devine… N’importe quel agent de l’ANPE honnête le confirmera.

Les conséquences sont évidentes : parmi les plus démunis, les plus incultes, les plus désespérés, les plus esseulés, beaucoup n’ont pas l’énergie de recommencer le marathon de la réinscription que l’on a compliqué à loisir (bureaux des ASSEDIC d’abord, puis ceux de l’ANPE) avec attentes interminables et réponses floues ou tout simplement révélant l’impuissance…

Nous n’assistons donc pas à la plus forte baisse du nombre des chômeurs depuis sept ans, mais à la plus forte baise (sic) des chômeurs eux-mêmes, sans parler des électeurs crédules prêts à encenser l’action miraculeuse du gouvernement. Signalons en revanche que certains agents de l’ANPE, et c’est tout à leur honneur, refusent de radier quelque usager que ce soit, au nom d’une éthique qu’on ne peut que louer. Et il est vrai que le procès Papon a aussi servi à cela : légitimer le refus lorsqu’il concerne des ordres venus d’en haut, s’ils vont à l’encontre de la dignité humaine et du respect du droit de chacun.

Honte aux chefs d’agence ANPE qui cautionnent les radiations arbitraires. Et que leur conscience, s’ils en ont une, les torture jusqu’à la fin de leurs jours. Leur carrière aura une fin et ils se retrouveront alors seuls avec eux-mêmes : le temps peut-être de réaliser que leur hiérarchie, leur ministère ne les aura payé que d’une méprisante ingratitude. La révolte et le refus de certains agents de l’ANPE, quant elle, a une autre allure que la vile et veule soumission de leurs chefs à d’autres chefs.

Raymond E.