ML : Pouvez-vous nous expliquer le contexte
de cette manifestation ?
Didier : Cette manifestation était
a l’appel de l’ensemble des fédérations de l’éducation.
Ce qui est intéressant, c’est son caractère intercatégoriel
: profs, mais aussi agents ouvriers, techniques, administratifs. Les profs
des lycées professionnels sont sous le coup d’une réforme
(Charte des lycées professionnels) qui consiste en l’annualisation
du temps de travail et la flexibilité. Pour nous, c’est un laboratoire
pour la suite des réformes, cela risque de s’étendre. Il
est aussi frappant de constater que le SNETAA, majoritaire dans les lycées
professionnels (FSU) ne participe pas au mouvement de protestation. 700
personnes, c’est plutôt une bonne manifestation. Le Puy de Dôme
est considéré, au moins par le ministère, comme un
département surdoté. Résultat, on colmate les brèches
avec des postes « piqués » au Puy de Dôme. Dans
le primaire, on va perdre 35 postes alors que l’effectif des élèves
sera le même.
À SUD-Education, nous sommes d’accord
sur les axes contre le gel de l’emploi public, contre le développement
de la précarité. Cependant, ce qui nous importe est de contester
l’ensemble des réformes, qui sont l’instauration de toujours plus
de précarité. Sur cette question de la précarité,
il y a une véritable prise de conscience de tout un chacun, ce qui
pousse les syndicats a prendre en compte ce problème. À la
rentrée des vacances d’hiver, nous appelons à la grève
jeudi 16 mars. Nous voulons nous inscrire dans des formes de luttes qui
situent clairement l’école dans le mouvement social, comme en Seine-Saint-Denis
il y a deux ans, dans le Gard, l’Hérault, le Doubs qui sont en grève
et où les parents d’élèves sont complètement
partis prenante. Cependant, nous pensons que les directions syndicales
n’ont ni les moyens ni la volonté d’impulser un tel mouvement. Elles
sont ou seront poussées par la base… Toutes les réponses
du ministère aux problèmes de l’Éducation nationale
se font en termes de précarité : le plan anti-violence, c’est
l’introduction de flics et d’emplois-jeunes à l’école. La
nouveauté est, au niveau du personnel IATOSS, la prévision
d’introduction d’emplois-jeunes.
Le deuxième volet des réformes
est la déréglementation des statuts des titulaires avec l’annualisation
du temps de travail. C’est une gestion du public sur le modèle du
privé, l’État cherche a accroître la rentabilité
de la force de travail.
ML : Que pensez-vous du fait que les
problèmes de l’école soient systématiquement médiatisés
par le prisme de la violence ?
Didier : C’est une mauvaise manière
d’aborder le problème. La réalité sociale c’est une
paupérisation accrue, de véritables zones d’exclusion… La
violence dont on parle est une violence réactive. Les profs, ne
sont évidemment pas la meilleure cible mais les mômes subissent
une violence de l’éducation, qui les confinent sur des voies des
garages. L’État ne donne pas de réponses en termes sociaux
mais répressifs. Pire, le ministre laisse la situation se dégrader,
même sur ces zones des postes sont retirés.
ML : La situation que vous me décrivez
est commune à l’ensemble des services publics.
Didier : Effectivement, c’est une
logique de gestion de l’ensemble des services publics. La lutte pourrait
s’étendre bien au-delà du seul service public d’Éducation
sur des questions telles que l’annualisation, la casse des statuts avec
le recrutement de non-titulaires… Mais il y a aussi des similarités
avec le privé. Effectivement, l’État ne peut se permettre
de dégraisser comme Michelin, il doit mettre des formes. À
la rentrée prochaine, il y aura des licenciements de vacataires,
contractuels et maîtres auxiliaires. Après la lutte des maîtres
auxiliaires, le recrutement de MA a cessé et on les a remplacé
par des contractuels (CDD), recrutés au niveau académique
et qui dans le meilleur des cas durent 9 mois, ce qui permet de ne pas
payer les congés. Cela représente environ 6 000 personnes.
Les vacataires sont employés par chaque établissement, pour
200 heures/an et payé à l’heure et ils n’ont pas de congés
payés (vacances ou maladies). Ce sont les journaliers de l’Éducation.