éditorial
On croyait l’antiracisme de gauche totalement
passé de mode, mis hors-jeu politiquement par la division du FN,
inutile électoralement et donc sans intérêt pour le
gouvernement. D’ailleurs on a vu des militants traditionnellement investis
sur ce terrain se reconvertir dans la lutte contre « la violence
et l’insécurité ». Seulement voilà, loin de
drainer les foules comme avaient réussi à le faire les campagnes
de « SOS-racisme » à la fin des années 80, les
revendications sécuritaires sont loin d’enthousiasmer une jeunesse
qui en est surtout la victime.
Les dirigeants de la gauche plurielle en sont
bien conscients, qui tentent de rattraper le coup par des mesures contre
les discriminations raciales. Ainsi, une pénalisation accrue des
actes racistes au quotidien est mise en avant pour redonner consistance
à l’idée d’intégration.
La poudre aux yeux va jusqu’à mettre
en place un numéro vert pour aider les victimes à porter
plainte.
On croit rêver ! Plus que de l’amnésie,
il faudrait subir une ablation cérébrale pour croire à
une réelle volonté de l’État dans ce domaine. Un État
qui depuis des années s’oppose à la régularisation
des sans-papiers, dont les lois sont des machines à fabriquer des
clandestins. Un État qui refuse l’accès des emplois administratifs
aux immigrés. Un État qui surtout généralise
la précarité, renforçant ainsi les replis ethniques.
Un État enfin qui n’a pas cessé de criminaliser ces populations
pour faire oublier sa politique antisociale.
Ce n’est pas pour rien que les Jospin, Aubry,
Chevènement et compagnie ont dû rappeler à la rescousse
leurs fidèles toutous « investis sur le terrain ». C’est
ainsi que SOS racisme est parti faire du « testing » à
l’entrée des boîtes de nuit pour montrer du doigt les vilains
commerçants qui refusent aux trop basanés le droit de s’abrutir
dans leurs établissements. C’est à la fois spectaculaire
et anecdotique, juste ce qu’il fallait pour se donner une image antiraciste
sans rien changer au bout du compte. Du côté du gouvernement,
on espère juste gagner quelques voix.
Pour les véritables antiracistes
que nous sommes, les perspectives sont ailleurs. Elles existent aujourd’hui
à travers des campagnes solidaires avec les sans-papiers, mais aussi
grâce à des grèves, qui comme dans l’Éducation
permettent des actions où français et immigrés se
retrouvent autour les mêmes revendications. Ainsi pourra-t-on espérer
faire tomber les barrières qu’on tente de mettre entre nous et non
par un « flicage du racisme » dont il suffit de dire le nom
pour se sentir ridicule…