Pour le droit de choisir l’éducation

Jusqu’à il y a encore peu, en France, c’était l’instruction qui était obligatoire et non l’école. C’est ainsi qu’un certain nombre de familles choisissait d’instruire leurs enfants à la maison ou de se regrouper pour leur assurer cette même instruction. L’éducation nationale pouvait alors contrôler la capacité des parents à dispenser cette instruction et le « niveau scolaire » des enfants (une fois par an ou tous les deux ans). La Ruche de Sébastien Faure, au début du siècle, et Bonaventure, depuis 7 ans, fonctionnaient sur cette base et purent ainsi défricher le terrain d’une éducation libertaire.
 

Marche au pas à l’école

En 98, sous couvert de lutte contre les sectes, le parlement français vota à l’unanimité la loi n° 98-1165 du 18 décembre 1998. Ce texte, qui a fait l’objet d’un n° spécial (le n° 3 du 20 mai 1999) du Bulletin officiel de l’éducation nationale, est sans équivoque aucune. Désormais, c’est l’école (celle de l’Etat, des curés et d’un privé normalisé) qui est obligatoire, ce qui exclut toute recherche et expérimentation pédagogique et éducative remettant en cause la norme scolaire du moment.

Les parents qui désirent instruire leurs enfants à la maison ont toujours ce droit. Ce droit est assorti de contrôles stricts (scolaires, éducatifs et sociaux) d’une telle rigueur au niveau scolaire et d’un tel flou au niveau éducatif et social, que toute instruction à la maison sera désormais dépendante du bon-vouloir d’un maire, d’un inspecteur départemental de l’éducation nationale… ou d’un préfet alerté par un inspecteur d’académie.

Pour ce qui concerne les parents, les membres d’une association qui, comme pour Bonaventure, se regroupent pour monter une structure éducative libertaire, c’est du même tonneau. La structure Bonaventure est tout à la fois centre d’éducation, république éducative, centre de ressources pédagogiques… on disait même simplement « école ». Ce terme nous a valu les foudres de l’administration qui sous couvert de la lutte contre les sectes fermerait bien au passage des structures qui refusent le rang de la soumission.
 

L’évangélisation étatique

Bref, avec cette loi, l’Etat va peut-être tordre le cou aux sectes, ces religions qui n’ont pas encore réussi… Reste que cette loi vise à tordre également le cou à des expériences éducatives comme Bonaventure. Le projet politique et social mis en avant par cette structure, qui pense que l’autogestion est encore un excellent moyen pour apprendre la liberté, l’entr’aide, s’est relevé de cette première attaque. Preuve que vivre et continuer à construire un projet avec un soutien collectif apporte des victoires. Les aides que vous nous avez apportées nous donnent encore envie d’aller plus loin… En attendant, la lutte continue… On vous demande votre avis sur l’attitude à adopter pour la suite, on vous propose de signer et de diffuser une pétition, de nous soutenir encore et toujours… N’oubliez pas de nous écrire. On compte sur vous !
 

Eduquer pour émanciper

Parce que les enfants et les adultes ont décidé de continuer à apprendre ensemble à Bonaventure, nous continuerons cette expérience en revendiquant le droit d’instruire et d’éduquer collectivement des enfants et des adultes. Les deux dernières rencontres nationales de novembre 1999 (à Oléron) et de janvier 2000 à Artigues en Ariège ont donné l’occasion de débattre largement de ce sujet. Nous ne nous résoudrons pas à ce que la République éducative Bonaventure soit liquidée par l’Education nationale au nom de la défense d’une instruction de qualité et d’une éducation à la citoyenneté qui sont l’âme de Bonaventure

La résignation, suicide quotidien, et la soumission aveugle aux nouvelles lois ne sont toujours pas de notre goût. Les expériences alternatives, les lycées expérimentaux, le droit à l’éducation parentale, le droit à la déscolarisation, le droit au regroupement libre pour l’éducation doivent pouvoir continuer à exister, à co-exister. La communauté d’apprenant qu’est Bonaventure, avec votre soutien, montrera une fois de plus que l’éducation à la liberté mène parfois à la révolte nécessaire et permettra à des expériences pédagogiques et éducatives de continuer à vivre.

Bernard Leboeuf