Le Monde libertaire toujours dans les kiosques
en 2001 ?
Chaque semaine, vous pouvez acheter le Monde
libertaire dans l’un des 32 000 points presse existant en France. Semi-vérité
car notre tirage étant très inférieur à ce
chiffre, nous ne pouvons pas être présent dans tous. C’est
les NMPP (Nouvelles messageries de la presse parisienne) qui acheminent
les exemplaires sur toute la France. Livré le mercredi matin, le
Monde libertaire est présent en kiosque à Rennes, Lille ou
Toulouse, le jeudi matin. Ce système, unique dans le monde, est
aujourd’hui au bord de l’éclatement.
Un peu d’histoire
C’est la loi Bichet (1947), qui garantit la
diffusion de la presse. À quoi bon imprimer des journaux, s’il est
impossible de les diffuser ? La loi Bichet établit aussi que le
groupage et la distribution de plusieurs journaux et publications périodiques
ne peuvent être assurés que par des sociétés
coopératives de messageries de presse. Elle prévoit également
la possibilité pour tous les titres d’être distribués
et demande aux diffuseurs de presse d’exposer l’ensemble des titres (obligation
qu’il est parfois nécessaire de rappeler à ceux qui mettent
le M-L dans un tiroir).
Ce système complète les
lois sur la liberté la presse de la fin du XIXe siècle et
participe au pluralisme de la presse. Parallèlement aux NMPP, deux
autres coopératives de messagerie, Transport Presse et les MLP (Messageries
lyonnaises de presse) évitent aux NMPP d’être en situation
de monopole. Au sein des NMPP, les coopératives d’éditeurs
détiennent 51 % des parts, Hachette qui en est l’opérateur
49 %. À noter qu’Hachette est aussi un gros client des NMPP, juge
et partie en quelque sorte. Publico, éditeur du M-L, est depuis
la création des NMPP, membre de l’une des coopératives.
Du Monde au Monde libertaire : pot de fer
et pot de terre
Tous les titres disposent de chances égales
au départ comme le prévoit la loi. Mais de fait, en fonction
de leur capacité financière, leur diffusion sera «
sensiblement différente ». La mise en place d’un système
de péréquation (les plus riches paient pour les moins fortunés)
permettait de limiter ces écarts. C’est ce système que les
éditeurs à fort tirage remettent en question. Dans cette
optique, une politique de réduction des coûts (donc d’augmentation
des marges) a été mise en place depuis plusieurs années.
Elle s’est traduite par une remise en question des conditions tarifaires
(d’où une baisse de recettes importantes pour les petits titres),
un développement poussé de l’outil informatique, l’ouverture
d’un centre de traitement ultra moderne, où l’intervention humaine
tient de moins en moins de place. Tout cela, s’accompagnant de plusieurs
plans sociaux.

Une tentative visant à introduire de
nouvelles conditions tarifaires et à augmenter la rémunération
des diffuseurs a failli faire exploser le système il y a quelques
mois. Après Point de vue, Marianne a menacé de passer aux
MLP, où lui étaient consentis des tarifs plus alléchants.
Chantage ? manœuvre d’intimidation ? Des départs en cascade se profilant,
la structure NMPP risquait de vite devenir ingérable. La situation
a semblé assez sérieuse au gouvernement pour qu’il nomme
un rapporteur sur la distribution de la presse. J-C Hasan propose donc
une réforme des NMPP. Si le texte fondateur (la loi Bichet) reste
d’actualité, il est à noter que la notion de péréquation
y est largement critiquée. La position d’Hachette, opérateur
et client, l’est aussi. M. Hasan invite donc les éditeurs à
se comporter en véritables « actionnaires » pour réajuster
leurs rapports avec Hachette opérateur. Finalement, un rapport mi-chèvre
mi-choux, qui laisse les différents protagonistes éditeurs,
opérateur et syndicats dubitatifs.
Dernièrement, dans le cadre de la modernisation
de l’outil de production et de la réduction des coûts, la
direction des NMPP a présenté un nouveau plan social qui
prévoit le licenciement de 1 200 personnes sur un effectif de 2
500.
Derrière les rotatives
Le but poursuivi par les grands groupes de
presse est de réduire considérablement le nombre de titres
traités par les NMPP. Au final, de mettre en place un cadre, où
les NMPP n’interviendraient plus que sur des titres à gros tirage,
une structure où le travail pourrait être automatisé
au maximum, les charges de personnels réduites et les bénéfices
accrus. Science fiction ? dépalettiseurs, chaînes de traitement
ultra-modernes des journaux marchent déjà au centre de Combes,
depuis juillet 1999. À très court terme, les NMPP pourraient
n’être plus qu’une société de prestation et de service
informatique, concédant au secteur privé la partie traitement
physique des journaux. C’est donc une sérieuse menace qui pèse
sur la diffusion de la presse.
La loi Bichet risque fort de n’être
plus qu’une coquille vide. Par voie de conséquence c’est la pluralité
qui est aujourd’hui belle et bien menacée. Quelle serait la place
de la presse à faible tirage, dans un système privatisé
? le pire est sans doute à venir.
Jacques Bonhomme