Négociations de l’assurance chômage

Du contrat de travail au contrat d’activité ?

Vendredi 17 mars, s’est tenue une première séance de négociation entre les partenaires sociaux pour redéfinir le rôle de l’assurance chômage. Bien que les cinq leaders syndicaux dénoncent le chantage patronal, tous s’écrasent, sous n’importe quel prétexte, devant les vues du Medef qui souhaite une « refondation de la protection sociale ». Par leur collaboration, les syndicats sont en train de mettre en place les conditions dans lesquelles vont s’organiser la dégradation de nos conditions de vie dans les années à venir.

Assurance chômage, lutte contre la précarité, insertion des jeunes, trois sujets qui n’en font en réalité qu’un et que les dirigeants syndicaux acceptent de rediscuter avant le 30 juin, date d’expiration de l’actuelle convention d’assurance chômage qui détermine les règles d’indemnisation des chômeurs. S’inspirant des modèles néerlandais et scandinaves, le Medef veut lier l’indemnisation du chômage, de la formation et du retour à l’emploi. Conséquence, le montant des allocations serait revu à la baisse pour tout chômeurs refusant de se plier aux offres qu’on lui fera en matière d’emplois ou de formations débouchant sur un emploi disponible. Bref, la dégressivité des prestations laisserait place à une indemnisation à la carte. Autrement dit, c’est une manière de contraindre les chômeurs à accepter n’importe quoi ce qui ne peut qu’accentuer la flexibilité de l’ensemble des salariés.
 

Une institutionnalisation de la précarité

Pour lutter contre la précarité (sic) et favoriser l’insertion des jeunes (re-sic), le Medef préconise l’institution de « contrats de mission ou d’activité». Les cadres juridiques se rapprochant de cette notion d’activité, qui viendrait s’intercaler entre le CDD et le CDI, existe déjà. Les chèques formations, les crédits formation, les comptes épargne temps ou encore les aides aux chômeurs créateurs d’entreprise sont autant de dispositifs qui préfigurent la révision du contrat de travail salarié. Si, anarchistes, nous avons toujours dénoncé le salariat comme nécessité pour vivre de louer ses bras et/ou sa tête à un employeur en échange d’un salaire, la généralisation du contrat d’activité, englobant la formation en plus de l’actuel contrat de travail, ne nous satisfait aucunement.

Au contraire, sous couvert de mobilité et d’adaptabilité, la notion d’activité renforce la docilité et l’insécurité des travailleurs. C’est une nouvelle forme de louage de services qui institutionnalise la précarisation de l’emploi. L’asservissement à l’entreprise ne passe plus par la garantie d’un emploi stable mais par la nécessité pour chacun-e de développer son employabilité tout au long de sa vie en faisant des allers-retours entre la formation professionnelle et le travail. L’utilisation du terme d’employabilité re relève pas d’un phénomène de mode mais sous-tend de nouvelles formes d’exploitations. Dans un monde capitaliste qui, aujourd’hui, prône sans cesse le changement, cette notion d’employabilité est au cœur même de la conception du travail à laquelle il faudrait adhérer sous peine de se faire traiter de rétrograde ou de privilégiés. Elle désigne les qualités que possède une personne ou qu’elle doit se doter pour trouver un boulot grâce à la formation.

En mettant l’accent sur la formation, le monopole de l’Education nationale sur la reconnaissance des compétences acquises sera de plus en plus caduque. Décrocher un diplôme ne servira alors plus grand chose. Mais surtout, la nécessité pour l’employeur de connaître le parcours de chaque individu-e va entraîner la mise en place de nouveaux dispositifs de surveillance. Et plus grave, la valorisation des compétences sur laquelle s’appuie cette conception du travail revient à soumettre des qualités personnelles qui relèvent à présent de la sphère privée à la logique marchande.

On le voit, les discussions sur la nouvelle convention d’assurance chômage ne se limitent pas aux seules réévaluations des allocations chômage et des taux de cotisation à l’Unedic. Pourtant ce serait le minimum puisque la part des entreprises n’a cessé de diminuer au détriment des salariés depuis l’origine en passant de 80 % à 62 % actuellement.
 

Ni salariat, ni contrat d’activité !

Face aux attaques patronales, on ne peut compter sur les syndicats. Les uns (CFDT, CFTC et CGC) acceptent le principe d’une refonte totale de l’assurance chômage tandis que l’inquiétude des autres (CGT et FO) quant aux conséquences de telles mesures ne les empêchent pas d’avaler couleuvres sur couleuvres. Le système des préretraites contre embauches est ainsi à la trappe de ces négociations.

Résister efficacement à la dégradation de nos conditions de vie consiste dans un premier temps à refuser de céder au chantage du Medef. Comme nous l’avons déjà dit dans ces colonnes, si les patrons veulent quitter les organismes paritaires, et bien virons-les ! Mais, il faudra aussi qu’un véritable contrôle des mandatés par les usagers s’exerce enfin, afin de ne pas laisser les bureaucrates syndicaux participer à la réduction de nos prestations. D’autre part, sur le fond, on ne peut que souligner les limites des tentatives réformistes à venir qui consisteront à élaborer un droit de l’employabilité pour déterminer qui de l’employeur ou salarié-chômeur est responsable de la perte d’une diminution de l’employabilité. Les mesures réformistes ne touchent pas à la nature du pacte imposé par le patronat aux salariés ni à l’organisation du travail mais ambitionne seulement de réduire les inégalités face à la mobilité professionnelle ce qui ne peut nous suffire.

Guillaume. — groupe Durruti (Lyon)