Un pape et un commandeur des croyants nous protègent

Pendant que Jean-Paul se promène en « Terre sainte » (c’est comme ça qu’on appelle les territoires abreuvés de sang d’impies), Mohammed Vl vient faire un petit tour à Paris pour draguer la communauté européenne. Ces deux grands-z-hommes, l’infaillible pape des chrétiens et le glorieux commandeur des croyants (récemment élevé au rang médiatique de « bon roi des pauvres ») sont les actuels défenseurs des droits des femmes… si, si.

Le premier a récemment demandé pardon, pour les fautes de l’Église, en particulier envers les femmes… ça va faire plaisir aux cendres des sorcières… Le second a plusieurs fois rappelé les injustices dont sont victimes les femmes marocaines et poussé le gouvernement à envisager des réformes, notamment de la « mudawana » (code du statut personnel). Merci ta majesté, t’es bien aimable. Bien que nous ayons parlé à plusieurs reprises du caractère profondément « libéral » (version Madelin, pas version liberté, faut-il le préciser) de l’actuel gouvernement marocain ; il nous faut encore noter que les déclarations du roi sont dix fois plus révolutionnaires que les discours de ces socialistes qui cachent mal leur absolue indifférence sur le sujet… mais bon, puisqu’apparemment le roi trouve ça plus propre de s’en préoccuper, ils suivent.

Chapeau bas, en premier lieu, à toutes les femmes qui se sont organisées, le plus souvent en associations, depuis de nombreuses années (elles n’ont pas attendu la fin du régime Hassanien) pour protester contre le statut d’éternelle mineure qui est le fait de toute citoyenne marocaine, une femme dépendant de son père avant de tout devoir à son mari. Si l’un ou l’autre vient à manquer, c’est l’oncle, le tuteur ou le frère qui décide… avant que le fils ne s’en mêle !
 

L’Islam religion d’Etat: ce n’est pas un détail

N’oublions pas que tout-e citoyen-ne marocain-e a une religion. on peut se déclarer juif-ve ou chrétien-ne mais pas « sans religion », ce n’est pas envisagé par la loi, aucune petit case n’est prévue à cet effet sur les papiers administratifs… L’islam est religion d’État, ce n’est pas un détail…

Ouvrir un compte, léguer ses biens, hériter, louer un appartement, (et ne parlons pas de l’adultère et du contrôle des naissances…) tout est différent suivant que l’on s’appelle Ahmed ou Aïcha. Les batailles quotidiennes des associations de défense des droits des femmes pour arracher des crédits et des réformes. ont réussi à obtenir du gouvernement marocain un projet de Plan d’action pour l’intégration des femmes dans le développement. Ce projet était largement axé sur l’éducation (pour faire baisser le taux d’analphabétisation des filles, principalement en campagne) et l’aide sanitaire et sociale (en particulier pour faire reculer la mortalité maternelle et infantile).

Ce plan, qui reste un projet puisqu’il n’a pas encore été présenté officiellement au conseil de gouvernement, consacre quelques pages à une réforme du code de la famille et du statut personnel :
- l’âge légal de mariage des jeunes filles passerait de 15 à 18 ans ;
- suppression ou limitation de la polygamie ;
- abolition de la répudiation et instauration du divorce judiciaire… on y parle même de partage des biens entre époux…
Ces derniers points, ont particulièrement agacé les barbus et autres musulmans lambdas, c’est-à-dire tous ceux qui mangent pendant le ramadan, planqués au fond de leur salon, qui ne vont à la prière que quand il y a un public digne de ce nom pour les y voir, mais qui retrouvent l’éloquence du muezzin d’antan pour crier à « l’atteinte aux valeurs fondamentales de leur religion, de leur famille, et de leur honneur » quand des réformes menacent d’amener le statut des femmes au-dessus de celui de paillassons à intégrismes.
 

Luttes des femmes : face à l’Etat, contre les barbus

Dès les premiers discours présentant le projet du plan d’intégration, les mosquées, les universités, et les médinas…. ont montré ce qu’elles réservaient aux femmes et aux hommes contestant la légitimité de la tradition islamiste. Quant au statut des femmes… Il y a déjà plusieurs années que les universités, (de Casablanca en particulier) ont vu l’implantation intégriste et que les violences quotidiennes qui y sont perpétrées (harcèlements, dénonciations calomnieuses, injures, jusqu’au meurtre d’enseignants !) les ont transformées en zone de propagande permanente. Quant aux mosquées, leur multiplication depuis une dizaine d’années (il n’est pas rare d’en trouver deux pour un quartier, plus une en construction…) n’est pas seulement due à un regain de religiosité chez tous ceux qui savent payer ainsi un peu de leur place au paradis : si l’on s’y prosterne, on y harangue aussi…

D’où l’appel à manifester, le 10 mars dernier. de l’association des Marocains de France qui notait fort justement dans son tract d’appel :
«Face à la mobilisation des différents acteurs de la société civile pour la défense des droits légitimes des femmes, la réaction des ennemis des droits des femmes, de la démocratie et du progrès n’a pas tardé. Ces derniers s’appuyant sur un réseau non négligeable, notamment les lieux de culte et instrumentalisant les sentiments religieux des Marocains, n’ont épargné aucun moyen pour se livrer à des attaques véhémentes contre le plan d’action, et à des violences d’un autre âge contre ses initiatrices, les femmes et leurs organisations militantes en tête, qui sont aux yeux des réactionnaires des dépravées, athées et occidentalisées. Tous les moyens semblent bons pour décrédibiliser les revendications des femmes, et pour mener une campagne fallacieuse et mensongère contre cette revendication minimale d’intégration : organes de presse, cassettes audio. porte à porte, fausses pétitions, insultes et intimidations voire violences. »

Le 12 mars, alors qu’environ 50 000 personnes se mobilisaient pour pousser le gouvernement dans la voie des réformes, était autorisée la première manifestation islamiste depuis l’avènement de Mohammed VI… manifestation qui allait regrouper trois fois plus de monde, défilant en séparant hommes et femmes : comme une très grande mosquée qui marcherait contre les droits des femmes… Qu’en a conclu le gouvernement socialiste, et en premier lieu Youssoufi, cet historique opposant à tout régime dictatorial ? « Il revient au commandeur des croyants de trancher ».

Avec un pape pour défendre nos droits en Europe et un commandeur pour protéger ceux des Marocaines, on va dormir plus tranquilles…

Maude