D’un mouvement « corporatiste »…
à un printemps pédagogique et éducatif ?
Des dizaines de milliers de personnes dans
les rues, des villes, des académies pratiquant la grève générale
Le Havre, Montpellier , des Lycées professionnels en
lutte depuis près de deux mois, cela ne s’était pas vu depuis
fort longtemps. Alors, devant l’avancée du feu dans la plaine, Jospin
lâche du lest en amenant sur un plateau la démission d’Allègre.
Faut-il le rappeler, jamais un ministre de l’Éducation nationale
n’avait focalisé autant de mécontentement dans la profession.
L’arbre a été déraciné mais derrière,
la forêt reste. Et Jospin l’a redit lors du Conseil national du PS
le samedi 25 mars : les réformes se feront, avec ou sans Allègre.

En remaniant son gouvernement, Jospin veut
calmer les ardeurs des manifestants, qui pour certains en sont à
leur cinquième semaine de grève. Tablerait-il sur un essoufflement
du mouvement alors que la Région parisienne est en vacances à
partir du 1er avril ? Nous nous trouvions cependant dans la même
situation avant les vacances de février, et force est de constater
que le mouvement n’a fait que s’amplifier depuis lors, en se jouant du
calendrier scolaire. Pour le coup, Jospin pourrait donc avoir tout faux,
car il est douteux que les personnels en lutte se laissent abuser aussi
facilement.
Si l’on regarde par exemple la façon
dont s’est construite la mobilisation des professeurs de lycées
professionnels (PLP) sur le Rhône, on ne peut être que résolument
optimiste : sans qu’il y ait jamais eu besoin d’appel incantatoire à
la grève générale de l’Éducation (ce qui n’aurait
pas fonctionné, de toutes façons !), la grève se construit
au jour le jour, chaque jour, avec ses hauts et ses bas (AG quotidienne
dans les établissements, AG inter-bahuts chaque soir à la
Bourse du travail, qui fait le point, coordonne, décide, exécute,
avec et en présence des organisations syndicales du secteur CGT,
SGEN-CFDT, FEN, FO, SUD-Éducation, SNEP-FSU).
Deuxième élément d’optimisme
: le fait que la lutte des PLP s’élargisse aux autres corps et autres
degrés ce phénomène n’est pas propre au département
du Rhône et peut également être observé un peu
partout, même si, ici ou là, la jonction reste parfois difficile
avec l’appareil de « certains » syndicats majoritaires. En
effet, la plupart des personnels sont convaincus désormais que l’attaque
faite au statut des PLP (annualisation, flexibilité, pondération)
leur sera imposée tôt ou tard.
Surtout, le sentiment se répand que
cette école-là, dont l’une des principales fonctions est
d’organiser le tri social, n’a que trop duré. Quand on lit attentivement
les revendications des personnels en lutte, élaborées au
sein des AG et des Coordinations, la volonté de changer l’école
est réelle (cf notamment la demande de titularisation des précaires,
sans condition de concours ou de nationalité).
Le slogan des instits de Vaulx-en-Velin
(« Des fonds pour la réforme ! Une réforme de fond
! ») est exemplaire à cet égard : en somme, ce qu’aucun
mouvement pédagogique n’avait réussi, Allègre pourrait
bien l’avoir réalisé. Que son successeur ne s’y trompe pas
cependant : si les personnels semblent acquis à l’idée de
travailler autrement, ils continueront de se battre contre toute réforme
qui dégraderait leurs statuts, leurs conditions de travail, et qui,
sous couvert « d’avancées » pédagogiques, ne
ferait que consacrer des choix budgétaires néo-libéraux.
Philippe (SUD-Éducation) et Jérôme
(CGT-éduc’action)