Des bottes policières dans une une
fac de Lille
Les sans-papiers et leurs soutiens passent
à l’offensive. Au-delà des exemples de Nantes et Saint-Denis
exposés dans ces colones, des mouvements se dessinnent à
Rouen, Toulouse, Lyon ainsi qu’à Lille où les sans-papiers
se sont fait délogés de l’I.E.P.
On peut rappeler que la loi Chevènement
a durcit la législation en ce qui concerne les étudiants
sans-papiers en conditionnant la régularisation d’une personne ayant
été étudiante (même une fois) à quinze
ans de présence sur le territoire, qu’il faut évidemment
prouver, au lieu des dix requis par la loi Pasqua. Le but est, vous l’aurez
compris, de créer un droit spécifique « étudiant
sans-papiers » tout comme il existe un droit d’asile spécifique
pour les Algériens (asile territorial remplaçant l’asile
politique).
Ce fractionnement des cas empêche
tout mouvment unitaire et toute consience commune chez les sans-papiers.
Cela marche redoutablement bien puisque les étudiants sans-papiers
viennent tout juste de rejoindre les collectifs unitaires à Saint-Denis.
Auparavant, on ne les avaient jamais vus aux manifs communes. Par ailleurs,
les préfets ont envoyé à tous les directeurs d’université
une circulaire pour les enjoindre de dénoncer systématiquement
les irréguliers qu’ils auraient dans leurs fichiers.
Rappelons aussi que le renouvèlement
des titres de séjour étudiants se fait d’une année
scolaire sur l’autre et qu’il est subordonné à la réussite
de l’intéressé (on va à la préfecture avec
le relevé de notes).
Depuis le 15 mars, le Comité des sans-papiers
de Lille (le CSP-59) occupe de nouveau des lieux publics. L’Institut d’études
politiques, d’abord, jusqu’à ce qu’il en ait été expulsé
le 25, la Bourse du travail ensuite. Depuis son expulsion du CHR de Lille
et la dernière grève de la faim en décembre et janvier
dernier, celui-ci avait été accueilli, en accord avec la
mairie et l’Église catholique, dans les locaux de la J.O.C. dans
l’attente d’un vrai local de lutte des sans-papiers. Ces locaux exigus
ne suffisaient même pas à accueillir les participant-e-s aux
A.G., et surtout, l’Église s’opposait à toute grève
de la faim. Ainsi, garrotté, le comité a dû subir les
provocations de la préfecture du Nord : contrôles au faciès
devant le local ; retards pour les papiers des grévistes régularisés
(sous prétexte d’un bogue de l’an 2000… qui dure encore en mars
!) ; une pluie de refus de régularisations ; report des négociations…
Et le 14 mars, l’arrestation en préfecture d’une femme sans-papiers,
alors qu’elle venait redéposer son dossier à la demande de
l’administration.
Le 15 mars, le Comité investit donc
l’I.E.P. de Lille. Le directeur de la vénérable institution
le reçoit à bras ouverts. Il promet notamment de ne pas recourir
à la police (il fera volte-face dès le lendemain et leur
demandera de partir). Les sans-papiers décident donc de rester et
s’installent à une centaine dans le foyer étudiant.
Ainsi débute une épreuve de
force qui mobilisera largement les étudiant-e-s de l’I.E.P. et des
facs lilloises, avec des manifestations de plusieurs centaines et plusieurs
milliers de pétitionnaires. Cette mobilisation étudiante
constitue une heureuse surprise. Des messages de solidarité parviennent
d’une quinzaine de facs et de sept I.E.P.
Sur place, la tension monte rapidement. Dès
le mercredi 21, après le passage d’un huissier pour constater l’occupation,
les sans-papiers commencent à se préparer à l’évacuation.
Plusieurs dizaines d’étudiant-e-s (entre 30 et 60 sur quelques 300)
passent les nuits qui suivent dans l’école. Il ferait pourtant beau
voir que la police pénètre dans une institution universitaire
! C’est pourtant ce qui se passera le samedi 25 à 6 heures du matin,
sur demande du directeur de l’école.
La mobilisation s’organise
Les étudiant-e-s, surpris par la discrétion
et la rapidité de l’arrivée des CRS, ne peuvent défendre
l’entrée du foyer. Regroupé-e-s en sit-in dans le hall, tous
et toutes sont évacué-e-s plus ou moins violemment. Plusieurs
dizaines de personnes, prévenues par téléphone, se
rassemblent déjà devant la rue de l’I.E.P., bloquée
par le CRS. Les slogans fusent, réveillant le quartier.
Après celle des étudiant-e-s
seulement commencera l’évacuation des sans-papiers barricadés
dans le foyer. La détermination est alors beaucoup plus grande et
l’expulsion sera plus longue. Mais il n’y a eu heureusement aucune arrestation.
300 personnes se sont ainsi retrouvées à battre le pavé,
ce samedi vers 7 h 30 du matin, aux cris de « Solidarité avec
les sans-papiers ». Direction la Bourse du travail, où les
sans-papiers comptaient bien trouver refuge, comme ce fut le cas lors de
l’évacuation de leur local le 19 novembre dernier. Ils devaient
rencontrer quelques déconvenues.
Les responsables de l’Union départementale
C.G.T., présents dès 9 heures, n’accueillerons une délégation
des sans-papiers que vers midi, alors que ceux-ci piétinent dans
la cour du bâtiment depuis 8 h 30 ! À 14 heures, l’entrevue
s’achevait sans solution pour les sans-papiers. La Région métallurgie
C.G.T. décide alors, contre l’avis de l’Union départementale,
d’ouvrir la même salle qui avait accueilli les sans-papiers en décembre.
Tandis que la salle Delory, appartenant aux trois centrales syndicales
(C.G.T., F.O., C.F.D.T.) s’ouvrait sans que personne n’en eut la clé.
Une centaine de personnes se partagent les lieux.
La différence avec l’accueil dont avait
bénéficié le C.S.P.-59 en décembre est très
nette, même si des syndicats soutiennent sans réserve le mouvement.
Le mercredi 29, l’U.D. se fendait d’un courrier embarrassé au C.S.P.-59
lui demandant, au nom de son soutien et de l’indépendance syndicale
(sic !) de quitter les lieux. Le Comité des sans-papiers a réussi,
en réoccupant les lieux publics, à se sortir de l’impasse
dans laquelle l’avait plongé son accueil chez les curés.
La base du soutien s’est élargie avec l’arrivée des étudiant-e-s.
Certain-e-s d’entre eux se sont d’ailleurs rendu-e-s à la manifestation
des étudiant-e-s sans-papiers à Paris le mardi 28 mars.
Le rapport de force est à nouveau
engagé avec la préfecture. Le C.S.P. lui laissait jusqu’au
mercredi 5 avril pour reprendre les négociations, avant de décider
d’entamer ou non une neuvième grève de la faim.
Martin Zumpe et Bertrand Dekoninck. — groupe
de la Métropole lilloise