Pour un collectif antisexiste
Depuis des mois, partout dans le monde est
préparée la Marche mondiale des femmes. Des initiatives importantes
se préparent : une manifestation à Paris, le 17 juin, et
une manifestation européenne à Bruxelles le 14 octobre 2000.
Cette marche, dont l’initiative revient à la Fédération
des femmes du Québec, entend lutter « contre la pauvreté
et contre les violences qui frappent les femmes ». Pour nous, il
s’agit d’aller plus loin et de dénoncer à la fois la logique
capitaliste en |uvre et l’oppression patriarcale, ainsi que toutes les
formes d’oppression dont sont victimes les femmes. Nous estimons que la
lutte pour l’émancipation des femmes est indissociable des luttes
que nous menons. Nous, inscrit-e-s dans le mouvement des sans (sans papiers,
sans logement ou mal logés, chômeurs et précaires,
sans droits, voulons une société débarrassée
de toute oppression.
Le patriarcat est un système où
le pouvoir politique, économique, social et sexuel est organisé
par et pour les hommes. Il se caractérise par la mise sous tutelle,
la dépendance, la discrimination et l’oppression des femmes (et
des hommes qui ne correspondent pas aux schémas du « mâle
dominant »). Ce système s’insinue jusque dans l’inconscient
collectif féminin et masculin et conditionne jusqu’à nos
comportements les plus courants et les plus intimes.
Le patriarcat, c’est l’oppression des
femmes
Ainsi les rôles sont définis
par le sexe. « Esclaves domestiques », les femmes sont confinées
à l’intérieur, tandis que la vie publique est réservée
aux hommes. Cette répartition des rôles est conditionnée
par l’éducation (jouets ménagers pour les petites filles,
jouets guerriers pour les garçons). C’est l’apprentissage de la
passivité, de la séduction, de la soumission systématique
pour les petites filles ; c’est l’apprentissage de la compétitivité
et de l’agressivité, de la force physique obligatoire pour les petits
garçons. Les inégalités se perpétuent au long
de la scolarité puisque ce sont majoritairement les garçons
qui font des études longues et suivent des filières scientifiques
(évidemment les filières les plus valorisées).
Un des premiers principes du patriarcat est
la notion de chef de famille chère à nos administrations…
Cet enfermement des femmes dans le statut de « personne à
charge » conduit à la négation systématique
de leur personnalité propre, de leurs désirs, de leur projets,
confondus dans ceux de leur père, conjoint, frère. La logique
patriarcale du « chef » de famille justifie aussi la violence
conjugale qu’elle soit psychologique ou physique, le viol conjugal, l’inceste…
Le patriarcat, l’ordre moral dépossèdent
les femmes de leur propre corps et de leur individualité. Elles
sont dans l’obligation de correspondre à un certain nombre de normes
physiques et comportementales (beauté, minceur, douceur, élégance…),
elles continuent à subir des grossesses non désirées,
à voir leur sexu-alité codifiée (un partenaire exclusif,
mâle obligatoirement). A fortiori, le lesbianisme, en ce qu’il exclut
l’allégeance à un homme, représente une transgression
aux règles patriarcales souvent chèrement payée. Dans
la même logique, l’appropriation du corps des femmes peut aller jusqu’à
des mutilations sexuelles telles l’excision ou jusqu’à la mise à
mort.
Contraintes d’appartenir à un homme,
les femmes n’existent pas en tant que sujet et l’on peut donc disposer
d’elles comme d’un objet. Un objet que l’on peut mater, que l’on peut siffler,
que l’on peut toucher… Toute femme est donc en situation d’insécurité
permanente.
La précarité c’est d’abord pour
les femmes
À l’oppression patriarcale s’ajoute
l’oppression capitaliste. C’est parce que l’on considère encore
les femmes comme des mères et des ménagères avant
tout qu’on les estime moins disponibles et moins performantes. Ainsi se
perpétuent les discriminations à l’embauche, les différences
de salaire à travail égal, les temps partiels imposés,
le confinement dans les postes subalternes et dans certains secteurs d’emploi.
Si certains métiers leur sont interdits, les emplois qui leur sont
réservés sont dévalorisés (ménage, secrétariat,
enfance). Ainsi la majorité des smicards sont des smicardes, tout
comme la majorité des chômeurs sont des chômeuses, souvent
non rémunérées.
La précarité touche plus les
femmes que les hommes, ils et elles ne sont pas égaux même
devant le revenu minimum. Rappelons que la C.A.F. ne reconnait par couple
et par famille qu’un seul allocataire : l’homme dans presque tous les cas.
Ce qui est un obstacle évident à l’autonomie économique
et sociale des femmes. La politique de l’allocataire unique permet des
économies qui peuvent avoir des conséquences dramatiques.
Financièrement dépendantes,
les femmes n’ont guère de moyens de se soustraire à la violence
conjugale. Les femmes sans papiers sont encore plus victimes de la précarité.
Soumises au travail clandestin (de l’exploitation à l’esclavage
sexuel), elles ne peuvent faire valoir aucun droit.Dans l’attaque contre
les services de santé publique, les droits et les besoins spécifiques
des femmes sont une des premières cibles.
Le patriarcat s’approprie le corps des femmes,
le capitalisme le met en vente. La publicité utilise l’image des
femmes, souvent de façon dégradante pour faire vendre ou
les assimile à un bien de consommation. Dans le cas de la pornographie
ou de la prostitution, les femmes deviennent littéralement des marchandises.
Les promesses des politiques, les mesurettes
sur l’exclusion et la précarité, ou encore les discussions
sur la parité sont loin de satisfaire des revendications que seule
la lutte permettra de faire aboutir.
Collectif des sans — Lille
Contre
La précarisation croissante des
femmes (temps partiel imposé, bas salaire, philosophie du retour
au foyer) ; la double oppression dont sont victimes les femmes sans-papiers
; les mauvais remboursements des soins spécifiques (pilule, dépistage
des cancers, fermeture des centres IVG) ; les violences quotidiennes (professionnelles,
familiales…) ; la lesbophobie et l’homophobie ; l’exploitation et la marchandisation
de l’image et du corps des femmes ; l’invisibilité de la contribution
sociale des femmes ; l’enfermement des femmes (carcan moral et familial)
; les discriminations sexistes dans l’orientation scolaire et professionnelle.
Pour
L’égalité économique
et sociale (un revenu décent, individuel pour toutes et tous avec
ou sans travail) ; la liberté de circulation pour toutes et tous
; le droit d’asile pour les femmes fuyant les violences patriarcales (mariage
forcé, mutilations sexuelles…) ; la contraception, l’avortement
libre et gratuit quels que soient l’âge et la nationalité
; l’accès libre et gratuit aux soins médicaux (notamment
gynécologiques) ; un rapport égalitaire entre les sexes ;
une éducation non sexiste ; un développement des équipements
collectifs (notamment pour les enfants) ; le droit au logement ; la liberté
politique et syndicale.