Projet de loi contre la discrimination raciale

Poudre aux yeux et maintien des lois racistes

Depuis quelques temps, l’antiracisme bon teint revient sur le devant de la scène : SOS-Racisme organise des séances de « testing » dans les boîtes de nuit afin de coincer les flagrants délits de discrimination, au moment où le gouvernement organise une grande messe sur justement ce thème de la discrimination raciale : à la tribune des membres clés du gouvernement, Chevènement, Guigou, Aubry, Jospin…, en face, 1000 jeunes issus du milieu associatif, triés sur le volet pour éviter les esclandres. Le MIB, jugé trop radical, est resté à la porte, surveillé par un cordon de CRS.

Ces Assises de la jeunesse devait aussi servir de promotion à la lancée de nouvelles lois anti-discrimination, dont le corpus semble imposant au premier abord. Mais venant d’un gouvernement qui traitait, il y a un an, les jeunes des banlieues pauvres de « sauvageons » et lançait le sécuritaire à tout va dans ces quartiers, il y a de quoi se méfier. En effet, il s’agit de propositions complètement déconnectées de la vie des milliers d’individus qu’elles sont sensées concerner : Par exemple, un numéro vert est mis en place pour orienter les victimes de discrimination vers une association « homologuée » qui pourrait porter plainte pour eux. Or, la plupart des plaintes ne sont pas enregistrées, ou alors classées sans suite. L’an passé, une seule plainte a abouti à la condamnation d’un patron de boîte à 10 000F d’amende, ce qui n’a pas dû l’étouffer. La seconde nouveauté en ce domaine tient au fait que ce ne sera plus à la victime d’amener la preuve de l’acte raciste, mais au juge d’apprécier la situation. Ce sont ces juges qui apprécient une poubelle cramée à hauteur de trois mois fermes, tandis que d’autres essuient un blâme pour diffusion de sang contaminé.
 

La lutte collective, pas leur justice !

Alors quand l’État parle d’une charte d’accueil avec les patrons de boîte de nuit, on se demande si cela ne serait pas mieux adapté dans les commissariats où les délits de sale gueule se soldent souvent par des coups, quand ce n’est pas la mort. Nous n’oublions pas les grandes mesures économiques : des aides pour passer quelques concours administratifs (gardien de la paix ou service technique ?), alors que tout le système scolaire s’emploie à rejeter les jeunes en difficulté ; 20 % d’emplois jeunes réservés aux jeunes des quartiers dits difficiles. Génial, 20 % de boulots précaires et mal payés !

Arrêtons là l’énumération. Après être arrivée au pouvoir en brandissant le vote utile face au F.N., la gauche plurielle a ensuite misé sur la lutte contre l’insécurité, et le « sentiment d’insécurité » : l’ordre social avant tout, les bonnes gens paient leurs impôts. Soudain changement de tactique : à un an des élections, la gauche découvre que tous les jeunes que ses flics matraquent sont de potentiels électeurs. Vite, repoudrons-nous la face et sortons un lapin du chapeau !

Mais ces projets n’ont pas seulement une portée électoraliste, ils charrient un discours puant. Il y a dans ces lois, dans ces recours systématiques au tribunaux quelque chose d’insidieux. Proposer le recours à la loi renforce l’atomisation des individus et renvoie la lutte collective aux oubliettes. De plus, non seulement cela réduit les enjeux sociaux à de simple problèmes juridiques, mais surtout cela revient à poser la Loi comme unique garante de l’égalité de nos sociétés. C’est oublier que la Loi est élaborée par et pour les puissants pour maintenir leur domination. Et ce ne sont pas les tribunaux qui éradiqueront le racisme. Le racisme trouve ses racines dans la misère sociale et économique que produit le système capitaliste. Celui-ci pousse les différents groupes sociaux à se trouver des boucs émissaires pour rendre leur propre situation plus acceptable.
 

Tant qu’il y aura des lois racistes, il y aura des sans-papiers

Tous ces comités de vigilance et ces propositions ont été dénoncés par les jeunes présents aux Assises (pourtant pas les plus revendicatifs) comme des coquilles vides. D’autant que certains autres aspects de la discrimination raciale ont été soigneusement passés sous silence. Il n’y a pas un mot sur la double peine dont sont victimes les étrangers résidents en France et ayant commis un délit : A la condamnation du tribunal se rajoute l’expulsion. De même la question des sans-papiers, en lutte depuis cinq ans, a été zappée. Tous ces gens-là ne risquent pas de recourir aux tribunaux. Avec ses pseudo-procédures de régularisation, la gauche a maintenu en situation illégale la plupart des sans-papiers qui survivent dans des conditions plus que précaires.

Par cette grande offensive électoraliste, la gauche tente de se redonner une image plus progressiste. Après son rude combat pour les femmes qui a abouti à la parité, elle entame une nouvelle bataille contre le racisme pour que chacun puisse rentrer en boîte de nuit ! Qui plus est, dans ses dernières propositions, elle mélange allégrement l’origine sociale et ethnique, proposant en même temps du travail pour les jeunes défavorisés et un projet anti-discrimination raciale, ce qui stigmatise encore plus une population qui n’en avait pas besoin. Elle ajoute une louche aux discours sur le pseudo malaise des banlieues en présentant ses habitants comme une population à part. En gros après le bâton Chevènement, voici la carotte Jospin.

Pour le moment, ce discours a surtout l’air de prendre auprès de ceux qu’il ne concerne pas, et la population présente aux assises ne s’est pas laissée berner. Mais la gauche plurielle a d’autres sirènes à nous faire entendre d’ici les élections. Alors plutôt que de payer un avocat, continuons la lutte auprès des sans-papiers pour que les lois racistes de la gauche soient vraiment supprimées.

Gaëlle. — groupe Durruti (Lyon)