Réveil d’un front antinucléaire
dans l’ouest de la Bretagne
Le 3 février. un hebdomadaire local
du Trégor révélait enfin à tous des informations
reçues une semaine auparavant par les adhérents du réseau
« Sortir du nucléaire » et que le gouvernement comptait
cacher encore un petit moment. L’Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs avait choisi des sites potentiels en Bretagne. Pour accueillir
un laboratoire souterrain de recherche nucléaire.
Ainsi, dans le secret, des localités
furent sélectionnées pour certaines qualités géologiques
de leurs sous-sols dans le Finistère (Huelgoat), dans les Côtes
d’Armor (Plouaret, Quintin et Dinan).
Les réactions en chaîne ne se
firent pas attendre : les élus, du simple maire au conseiller général,
se plaignirent de n’avoir pas été prévenus avant (avant
tout le monde ?) et s’inquiétèrent autant de l’image dégradée
de la région que de la santé de leurs administrés.
L’opinion était déjà sensibilisée aux problèmes
d’environnement : nitrates et pesticides, marées vertes et noires,
dioxine… Mais il restait à prévenir la population de la région
dans son ensemble.
S’appuyant sur la presse remplissant pour
une fois bien son rôle, sur les nombreux réseaux associatifs,
environnementalistes, culturels syndicaux et politiques, sur les habituels
enragés écolos locaux non encartés, internautes contestataires,
anarchistes, communistes libertaires, régionalistes, nationalistes
bretons. la contestation s’étendit au citoyen lambda.
Les anarchistes et les libertaires locaux
déployèrent alors tous leurs talents de propagandistes et
d’agitateurs de conscience (rédaction de tracts, d’articles, de
communiqués de presse, affichages, participation à la création
de collectifs indépendants des partis).
Il n’y eut pas d’union sacrée contre
le nucléaire, cependant énormément de personnes reprirent
à leur compte le slogan du C.O.E.D.R.A (Collectif d’opposition à
l’enfouisse ment des déchets radioactifs) créé vers
Fougères en 1992 : « Ni ici, ni ailleurs mais autrement ».
Quelques-uns ne s’opposèrent qu’à l’enfouissement des déchets
tandis que beaucoup affirmèrent leur refus des programmes nucléaires
civils et militaires.
Très tôt, une manifestation organisée
pour l’essentiel par un collectif de régionalistes n’attira que
150 personnes à Huelgoat ; des réunions d’information dans
des petites villes autour de Lannion amenèrent des centaines de
personnes. Plusieurs collectifs autour de Lannion virent vite le jour.
Des délégués de ces collectifs constitués en
coordination indépendants des partis se réunirent sans que
soient invités la presse, la population, des observateurs… À
croire que pour certains le secret et l’opacité sont de mise dès
que l’on parle nucléaire !
À Lannion, un débat à
propos de l’énergie nucléaire, organisé par des militants
des Verts attira une foule critique. Questionnés par les anarchistes
et les libertaires du coin, ils durent s’expliquer sur les agissements
de Dominique Voynet, sur le rôle possible de leur parti dans l’annulation
d’une manifestation contre l’E.P.R. prévue par le réseau
« Sortir du nucléaire » en octobre 1999. Ils durent
élargir également le débat au sujet du nucléaire
civil et militaire.
Le 19 février
À l’appel du Collectif antinucléaire
de Bégard, 600 personnes défilèrent dans cette petite
ville, scandant pour la plupart des slogans originaux : « Irradions
les patrons, enfouissons le capitalisme » « Inactifs aujourd’hui,
radioactifs demain »…
Les libertaires locaux ont bien entendu
marqué leur détermination puisqu’ils étaient les principaux
organisateurs !
Le 7 mars à Lannion, nos vieux
militants des Verts appelèrent à la création d’un
Collectif anti-déchets sur Lannion. Le Collectif libertaire du Trégor,
basé dans cette ville, répondit présent, soucieux
de ne pas laisser l’écologie dans les mains de politiciens.
Scrupuleuses, « les forces »
en présence reportèrent avec succès la création
du Collectif pour l’élargir à plus de participants. Un communiqué
de presse à la sauce rouge et noire ameuta le double de personnes
le 22 mars.
Entre temps, les conseils municipaux de
la région de Lannion se déclaraient un à un hostiles
à l’enfouissement de déchets nucléaires dans le département,
à l’installation du laboratoire, et même remettaient en cause
la prédominance du nucléaire dans la production nationale
d’électricité.
Le 11 mars
À Plouaret, ce fut un cortège
de 1500 personnes de tous âges qui défilaient au son de bombardes,
tambours, binious. Les couleurs noire et rouge de la banderole du Collectif
libertaire du Trégor suscitèrent de la curiosité et
nous avons sans nous forcer, combler quelques lacunes culturelles locales.
De plus, beaucoup réclamèrent le tract « Aujourd’hui
mazoutés, demain radioactifs» du groupe « Jes Futuro
» de la Fédération anarchiste.
Le 19 mars
Enormément de libertaires des Côtes
d’Armor descendirent dans le Finistère à Brennilis sur le
site de la centrale nucléaire en démantèlement, pour
participer à une « rando manif ». La plupart des groupes
de l’union régionale de la Fédération anarchiste étaient
là, se payant le luxe de distribuer à cette occasion trois
sortes de tracts en nombre. Avec d’autres (Le collectif « Du-Ru-Ty
», La C.N.T. de Quimper, l’Alternative libertaire), ils créaient
un pôle anti-autoritaire critique au sein du cortège.
Au cri de « Les Verts pas clairs, Voynet
a signé », les anarchistes se distinguèrent en enfonçant
le minuscule barrage de gendarmes, bloquant leurs véhicules, ouvrant
ainsi la route aux autres manifestants vers les premières clôtures
de la centrale. Une caméra de vidéosurveillance installée
au premier portail « se décrocha et s’abîma »…
Décidément en forme après
la randonnée, nous étions chauds pour faire du tourisme industriel
au sein même de la Centrale (à nos risques et périls
!). C’était sans compter la frilosité des autres manifestants
qui tentèrent de créer une chaîne humaine. Beaucoup
d’anarchistes refusèrent d’y participer préférant
un tête à tête avec les gendarmes (« Enfouissons
la gendarmerie ! ») La fatigue et le froid aidant, nous nous sommes
repliés chez nous ou pour danser, car la manifestation qui réunit
5000 personnes se terminait par un fest-deiz.
Nous apprenions le 21 mars que la «
mission collégiale » de l’A.N.D.R.A. composée de trois
personnes chargées de rencontrer les élus, de convaincre
les associations et la population renonçait à sa visite dans
la région après s’être fait secouer en Mayenne. Notre
mobilisation n’aura pas été vaine ! Refusons en bloc le nucléaire,
réaffirmons notre marque libertaire, enfonçons l’aiguillon
anarchiste dans les Côtes d’Armor à Quintin le dimanche 15
avril.
groupe « Jes futuro » (Lannion)